--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au quatorzième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


J'étais doublement anxieuse. Anxieuse de retrouver le mystérieux spectateur d'hier d'une part, et de réussir à m'en saisir cette fois, car au-delà de son inexpliquée obsession pour moi, j'ai bien l'impression d'avoir développée une inexplicable obsession pour lui. Anxieuse d'autre part de voir la fin mort-née d'un cycle qui m'aura plus fait rêver d'en rêver que rêver tout court. Et quelle fin : la naissance des mort-vivants sur grand écran, le point de départ d'une épidémie qui s'est depuis répandue comme la pire des gangrènes, se déversant sur tous les écrans, sur toutes les pages et sur tous les formats. La naissance également d'un immense réalisateur, pour lequel j'ai une profonde sympathie, qui a su à chaque fois mettre un coup de pied dans le mois-monstre, avec classe et intelligence. 
Je vais commencer par aller très vite sur le leitmotiv de cette année, que je cherche à débusquer pour chaque film, au coin d'un raccord interprétable, d'une métaphore souvent indésirée. L'invisibilité ici pourrait être l'issue, le seul, peut-être, moyen de se tirer vivant de ce cauchemar. Le film, d'une noirceur infinie, semblerait finalement me dire de cesser immédiatement de courir après des chimères, que quelque soit l'énergie et les sacrifices qu'on y consacre, on ne saura jamais suffisamment bien se dissimuler, et que le destin, d'un biais ou d'un autre, obtient toujours son butin. C'est assez déprimant, alors je vais changer de perspective : c'est un film de zombie, le premier, mais c'est surtout un film de monstre au sens large, inventant pour l'occasion une sorte de monstre universel, d'un anonymat absolu, pour n'en garder que l'essence pure, le PGCD de tout le bestiaire du film de genre. Et cette créature sans nom et sans critères particuliers, suffisamment vide pour les incarner tous, c'est ce qu'on a appelé zombie (j'ai bien essayé de creuser le parallèle entre l'anonymat de la créature et ma recherche d'invisibilité, mais comme je n'ai en aucun cas envie de me transformer en zombie, j'ai laissé tomber). Mais Romero va même encore plus loin. Il ne cherche pas qu'à neutraliser le monstre pour le rendre universel, mais bien le film de genre dans son ensemble. Il semble s'amuser d'un scénario d'une banalité absolument sidérante, aussi neutre et creux que son zombie, afin de s'en servir pour donner, comme à son habitude, un grand coup de pied dans le genre, et voir ce qui peut s'en dégager d'intéressant. Et c'est là que ça devient passionnant. Le film est d'une immoralité absolue, et d'une cruauté à toute épreuve. Il ne cherche à ménager personne, ni son protagoniste, ni son antagoniste, et surtout pas son spectateur. Son 4/3 ringard et son noir et blanc crasseux sont maniés avec une adresse implacable, passant, au court du métrage, d'une parodie grotesque d'une esthétique d'un autre temps, à une altération anxiogène et claustrophobique d'une réalité qui a basculé dans l'impensable. Les personnages, eux aussi réduits à des définitions plus que sommaires semblent également n'incarner que des parodies des incontournables du film de genre (la blonde qui crie, le mec cool avec des lunettes de soleil, l'homme rationnel, l'égoïste, la mère aimante, etc.). Pourtant, pareils à cette esthétique d'une apparente banalité, ils se révèlent au fil du temps d'une vertigineuse profondeur, incarnant à eux seuls un microcosme qui pourrait s'apparenter à la société humaine dans son sens le plus large, et dénonçant enfin le véritable thème du film : la cruauté humaine, celle incarnée physiquement par des corps humains ayant été vidée de toute conscience, et surtout celle, plus sourde et plus violente de ceux qui, ayant gardé leur âme, sont pourtant prêts à la vendre pour sauver leurs vies. Le thème a ensuite été creusé et labouré jusqu'à plus soif par les innombrables descendants de papy Romero, patriarche involontaire d'une smala parfaitement imbuvable. Car bien que l'âge, et l'Histoire qu'il a lui même engendré, ai rendu ce film d'une soporifique banalité, force est de reconnaître que, remis dans son contexte, La Nuit des Morts-Vivants est une bombe, révélant un Romero déjà admirable, qui n'a depuis, à ma connaissance, jamais changé de formule : faire semblant d'imiter ses aînés sans cesser d'être dans une innovation absolue, plutôt que -comme ces insupportable jeunes premiers- feindre l'originalité en s’abreuvant en coulisses de recettes déjà éprouvées. Admirable, inimitable et inégalable Romero.
Et mon bel et sombre inconnu alors ? Je me suis un instant demandé si je n'avais pas fini par trouver le véritable homme invisible, exactement au moment où j'avais cessé de le chercher. J'ai finalement abandonné l'idée en me disant que c'était un peu lourd de cumuler ça à la lycanthropie, mais tout de même, mon homme est un as de la furtivité. S'il n'était pas présent à la séance, il avait pourtant laissé partout dans la salle son empreinte. Est-ce qu'il me fuit, ou bien est-ce qu'il cherche à me laisser suffisamment d'indices pour le retrouver ? Est-ce qu'il ose me tester ? Les odeurs racontent un loup faiblard mais cruel, dans le corps d'un humain puant la peur et l'arrogance. Dis comme ça, ça ne donne pas vraiment envie de lui courir après, mais je suis du genre à aimer relever les défis. Alors que la chasse commence.
Zalya

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