Dans la famille Lunies, particulièrement dysfonctionnelle, il y a les parents très mal en point et les enfants, Tom chef d'orchestre à Berlin et Ellen assistante dentaire alcoolique.
Le titre original de ce film hors norme, pas uniquement par sa durée (3 heures que l'on ne voit pas passer) est Sterben qui signifie mourir... Les traducteurs/distributeurs ont sans doute craint d'effrayer le public français avec ce titre peu engageant. Effectivement il est question de la mort ici et l'histoire de cette famille qui ne se réunit plus, même pas pour les enterrements est pour le moins inconfortable. Dès la première scène on comprend que le père est atteint de démence sénile. Il erre régulièrement à moitié nu dans l'appartement voire dans les rues et on fait connaissance de la mère, atteinte de plusieurs cancers incapable de se relever et gisant dans ses excréments.
Ne partez pas.
La suite vous aimante littéralement au destin de ces quatre personnages terribles. Pourtant le réalisateur ne nous ménage pas. Que ce soit la déchéance physique des parents, le tourbillon dans lequel est pris Tom entre la création d'un spectacle avec choeur et orchestre constamment remise en cause par un metteur en scène suicidaire, le fait qu'il s'apprête à devenir le père d'un enfant qui n'est pas le sien et Ellen la soeur qui s'amourache d'un homme marié et partage avec lui un goût extrême pour l'ivresse jusqu'à tomber inconscients... les névroses sont au coeur du film. En cinq chapitres, il décortique la douleur de ces personnages et cela nous rend triste de voir que plus rien ne réussit à les réunir ou ne serait-ce qu'à les apaiser. Au contraire, il va au bout des scènes, des révélations d'une violence et d'une cruauté inimaginables sans jamais la moindre hystérie mais avec une grande intensité. Tout est déballé presque calmement car ces gens sont des gens bien élevés. Mais ils souffrent. On comprend que la soeur rumine une amertume envers ce grand frère brillant à l'ombre duquel elle a dû être élevée. Sans doute souffrent-ils tous de la froideur, du manque d'amour, de sentiments, de tendresse. On se demande pourquoi cette mère aigrie, glaçante fait les révélations qu'elle fait à son fils alors qu'elle n'a plus très longtemps à vivre. La scène est terrifiante. On a envie de la faire taire.
C'est vertigineux de brutalité cette incapacité à s'aimer, à se parler, à se comprendre. Quelques scènes fortes, dérangeantes ou infiniment tristes sont compensées par celle, exceptionnelle, d'une répétition d'orchestre où la musique enfin arrache des larmes de satisfaction voire d'apaisement. Et par quelques moments drôles notamment lorsque l'ex femme de Tom souhaite qu'il soit le père de l'enfant qu'elle a conçu avec un autre. Les tentatives des deux hommes pour plaire à l'enfant et se montrer le meilleur père possible sont assez amusantes. Tout comme la thérapie familiale improbable entre ces trois personnages.
Les acteurs sont tous étonnants. En particulier Lars Eidinger. Qu'il soit un artiste torturé mi Gainsbarre mi Bukowski dans A propos de Joan, un nazi impitoyable et naïf dans Les lettres persanes ou comme ici un chef d'orchestre talentueux il trouve toujours le ton et l'expression justes pour être impressionnant et bouleversant.