"Et il semble n'y avoir aucun signe de vie intelligente sur cette planète..."

Malgré un certain amour de la trilogie précédente, je n'étais pas particulièrement intéressé par ce nouveau film, car ça sentait la suite de trop, mais surtout, c'est fait par Wes Ball. Le réalisateur, qui a fait les films "labyrinthe", n'a en effet pour moi un cinéma qui ne dit rien, ne montre rien, ne fait rien vivre... et qui ne vaut rien. Sa seule "marque de fabrique", c'est le fait qu'il aime filmer des paysages urbains post-apo couverts par la nature, illustrant la trace du temps et l'abandon de ce qui était autrefois une grande civilisation. Mais ça n'est jamais exploité, comme le montre son premier court-métrage de 8 minutes, "Ruin" (trouvable sur YouTube), ou son vide artistique s'illustre aussi par le divertissement, l'action proposée, qui ne fera jamais rien que d'exister (pour la faire courte, on voit un homme dans ces ruines à la recherche de quelque chose, puis est poursuivit par un drone et des missiles, et les fuis... et c'est tout, le tout sans ne serait-ce que pleinement exploiter l'environnement, ne laissant cette nature sur lequel il semble presque jouir, comme vulgaire arrière plan).

J'énonce là tout ces faits car je craignais de retrouver tous ces défauts dans ce film, dont j'avais malgré tout fait le déplacement histoire d'aller au cinéma, et par curiosité pour le film.

Ce film existe.

Youpi.

J'ai vraiment pas grand chose à dire dessus, donc je ferais vite, et je commencerais par un point positif (le seul) : les décors sont jolis, comme je pouvais m'y attendre, mais ceux-ci sont exploités tout de même, ce qui permet de faire un peu vivre son univers. Que ce soit par les tours électriques servant de village au clan de aigles, les gratte-ciels dont la hauteur semblent marquer un gage de respect pour ceux qui parviennent à les gravir, et donc assurant une meilleure position dans le village (mais seulement en apparence), les protagonistes spéculant sur le but des anciennes bâtisses sur lesquels ils marchent, ou encore les épaves en ruines dont la plus grosse sert de frontière physique pour le royaume de l'antagoniste Proximus... cette fois-ci on voit, mais surtout on vit dans ces ruines, car elles racontent quelque chose, aussi bien de ce qui était avant que de ce qui est aujourd'hui pour les nouveaux maîtres du monde, et ce qu'elles pourraient être si les humains tentaient d'en reprendre le contrôle. On a un univers vivant dans lequel on se retrouve, qui nous interpelle car à la fois on reconnaît ces lieux, mais en même temps on prend du temps pour les déchiffrer, comme si notre mémoire s’effaçait, tout comme ce monde.

Il en va de même pour les effets spéciaux dans l'ensemble, bien entendu, notamment pour les singes. Ceux-ci sont à la hauteur, n'ayant vu aucun défaut grossier à l'écran (sauf si on regarde de plus près surement).

Mais pour le reste du film, bah y a rien, je suis désolé. Le scénario suit une trame narrative très classique sans pour autant être dans le pur cliché, le genre de film qu'on a vu 100 fois. Du coup on a un film ou tout ce suit, tout continue, et toute situation est attendue sans particulière émotion. On a des déplacements, des enjeux, des tensions, un méchant... on a remplit le cahier des charges. Et le pire c'est surement les personnages ; mais qui sont ces gens ? A quoi servent-ils ? Ces personnages attachant et complexes sont-ils présents en ce moment avec nous dans la pièce ? Te parlent-ils ? ... Quoi ? Les singes te parlent ? Putain c'est pire que ce que je pensais, direction l’hôpital psychiatrique!

Pour être plus sérieux, on a des fonctions, des rôles, mais pas âme qui vive. Noah doit retrouver son village, son village existe pour se faire kidnapper (en dehors des proches directes du protagoniste, personne n'est montré sauf 3 enfants et une sorte de soldat... tu parles d'un enjeu), l'humaine croise leur route par hasard avec ses propres plans en tête, mais tellement peu est échangé avec le reste du groupe que ça nous affecte pas plus. Le meilleur exemple de la platitude absolue du film, c'est les amis de Noah, qui ne servent littéralement à rien sauf à la limite à personnifier les enjeux (vraiment, tu les retires ça change rien. Même émotionnellement ils font rien : Noah aurait apparemment des sentiments pour son amie, et l'autre ami dit qu'il veut pas les aider dans leur plan contre le méchant car il a trop peur, mais littéralement 30 secondes plus tard, chrono en main, il revient leur dire qu'il va les aider finalement... DECIDE TOI MON CON. Je vous l'avais dis que c'était des personnages fonctions). Le méchant existe aussi (dans la méchanceté !), et y a un autre humain dans le film, un peu nihiliste... c'est son seul trait de caractère.

A la limite, j'accorde un point à Raka, sorte de religieux, croyant en César, et condamnant les actions du royaume de Proximus, car elles vont contre les préceptes pacifistes et moraux de César. C'est un personnage qui à nouveau fait vivre l'univers tout en ayant quelques traits qui le font un peu se démarquer du reste, par sa nature altruiste qui permet au protagoniste de connaître des progrès. Noah va, en ce sens, reconsidérer son rapport avec les humains aussi bien par ce qu'ils ont été, que par la volonté de Raka de les "éduquer", les protéger. Après n'en attendez pas plus, même si c'est plus intéressant que le reste, ça reste un personnage fonction, qui va amener des questions chez le protagoniste, mais pas plus, quoi que ça aurait pu être plus poussé s'il avait pas disparu au milieu du film de la manière la moins impressionnante qui soit.

C'est pareil pour la fin. Sans trop spoiler le truc (bien que, au fond, vous savez très bien comment ça va se finir), le truc avec les aigles, au-delà d'être très prévisible (et une métaphore vraiment pas subtile tout le long du film), c'est d'un ridicule... aucune tension, aucune crainte, rien à faire de tout ça.

Je conclurais en disant que l'une des principales forces de la planète des singes reste les questions qu'il tente de nous amener sur la nature humaine, ce que l'on est, ce qui fait de nous des êtres "spéciaux" ou au contraire fragile, qu'est-ce qui nous dit que l'on serait plus "légitimes" d'être maîtres du monde que d'autres, et si la violence est inéluctable... dans la trilogie de Wyatt et Reeves, c'était abordé avec brio à mon humble avis, permettant un juste équilibre entre le divertissement proposé et le fond de l’œuvre. Dans ce film, c'est superficiel au point de ne jamais aller ou que ce soit, et être inutile voire invisible. Alors certes la question du fanatisme, de la déformation du message originel est maintenant le sujet le plus visible, mais à nouveau c'est pas très bien travaillé, car on comprend que c'est pour servir les plans de Proximus, mais on n'en fait jamais rien, et on ne va nul part avec : le message est utilisé dans les fins d'un singe, mais vu que ce singe se résume à vouloir s'agrandir sans poser d'autres réflexions, ça se fane.

Au final, le film n'est pas le pire que j'ai vu de cette année, mais franchement ils auraient pu faire un effort, avec au moins un scénario et des personnages à la hauteur des précédents films. C'est pas mauvais car il ne fait pas de faute particulière, mais c'est ni bon car ça ne tente rien. Je pense que le meilleur mot pour résumer le film, c'est celui de la personne avec qui je l'ai regardé : ça n'a pas d'âme.