-Que regardes-tu ?
-Rien que tu peux voir d'ici. Mais si je chevauchais tout droit à travers ces montagnes, je verrai ma maison avant le lever du soleil. Je veux rentrer chez moi, Sergent.
-Nous le voulons tous, fiston.
-Mais nous continuons à nous battre, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'adversaire !
-Rentre chez toi, fiston. Rentre chez toi ! Ça compte plus pour toi que pour nous tous. Je m'occupe du capitaine.
-Merci.
-File maintenant !



La poursuite des tuniques bleues est un western mature profondément accès sur le drame entourant la dichotomie et les affres fratricides consacrées à la guerre de Sécession. Dans un premier temps réalisé et monté par Roger Corman (La Chambre des tortures, L'Empire de la terreur) durant environ deux semaines pour être finalement remplacé par Phil Karlson (Justice sauvage, Le Salaire de la Violence). À noter que Roger Corman n'est pas crédité au film, ce qui sous-entend que le problème à dû être d'ordre personnel entre le cinéaste et le studio. Un western violent, douloureux, âpre et saisissant de bout en bout.


Le récit se déroule à la fin de la guerre civile. Il présente dans un premier temps une longue course-poursuite plutôt bien élaborée, qui clairement n'est qu'un prétexte pour développer un profond traumatisme susceptible d'émouvoir vivement le spectateur tant il réussit habilement à présenter des hommes autrefois bons et honnêtes, fatalement corrompus et psychologiquement anéantie par la guerre. L'angoisse et le tourment de cette lutte fratricide sont tout du long présents. Le supplice accompagne les péripéties des personnages peinés de ne pas pouvoir rentrer chez eux une bonne fois pour toutes. Cela amène le spectateur à vraiment réfléchir à la résultante de tant de souffrances physiques et morales.


Une guerre qui se transforme en un duel viscéral entre deux officiers, un Yankee Nordiste avec Glenn Ford (L'énigme du Lac noir, Les Desperados) et l'autre Confédéré Sudiste avec George Hamilton (Le Vampire de ces dames, Tonnerre apache). Une hostilité pleine d'ardeur et de violence, où l'acharnement et la persécution vont mener la ténacité de George Hamilton à commettre l'irréparable avec Inger Stevens (Le Monde la chair et le diable, Police sur la ville) la femme de Glenn Ford, car il ne peut accepter que la Guerre de Sécession est terminée. Faisant de cette poursuite un combat acharné et personnel entre deux hommes unis par la haine, alors que la guerre est pourtant enfin terminée. Un acharnement désué qui saisit et affecte chaque protagoniste à la résultante finale particulièrement étonnante, où le vainqueur n'est pas qui on croit.


Techniquement le film pose quelques problèmes. Il y a des soucis de montage assez frappant et la mise en scène est inégale. Quelques fois on a droit à des scènes superbes, et d'autres fois c'est un peu instable. Cela doit être certainement due au fait qu'il y a eu deux réalisateurs sur le long-métrage. On sent l'influence du western italien ce qui est un bon point et évite ainsi de tomber dans un format trop gentillet qui aurait pu desservir le message du film, même si de très légères doses d'humour viennent à apparaître par deux Nordistes idiots, mais ça reste limité. La partition de Mundell Lowe, est vraiment cool, seulement je la trouve inadaptée avec La poursuite des tuniques bleues.


Les scènes d'action sont très efficaces, c'est brutal, dynamique et jamais dans la répétition. Le cadre est parfaitement adapté à l'histoire, les décors changent sans cesse.


Beaucoup de séquences marquantes à retenir, comme la scène d'ouverture avec l'exécution d'un Confédéré ordonné par le général du fort qui pour marquer le coup le fait abattre par des gens de couleur. On retrouve pour cette séquence un Harison Ford (Star Wars, Indiana Jones) très jeune pour un petit rôle où il place tout de même quelques mots et se livre à un combat à mains nues. Bien entendu la plus forte séquence vient du viol commis sur Inger Stevens qui va engendrer une véritable rage chez Glenn Ford. La confrontation finale est totalement réussie, le petit face à face entre les deux officiers est subtile.


Glenn Ford en tant que personnage principal est impeccable, et pourtant il est celui que l'on voit le moins. La caméra préfère suivre les Confédérés avec le possédé George Hamilton ainsi qu'Inger Stevens pendant au moins 30 min ce qui amène un point de vue très intéressant. On comprend que finalement les personnages principaux du récit sont les soldats Sudistes en fuite et que les Yankees Nordistes sont finalement les bourreaux. Cela ne leur confère pas pour autant le statut de héros, mais cela permet de mieux traduire le désarroi des Confédérés.


Dans l'unité on peut également trouver l'excellent Harry Dean Stanton (Lucky, Alien, le huitième passager). Max Bear (The Birdmen, Plus dure sera la chute) incarne un personnage ambigu qui rigole constamment devant toute cette violence qui se traduit comme une farce, ce qui pourrait en agacer plus d'un. Seulement, j'y vois avant tout la traduction du profond traumatisme d'un homme perdu dans les tueries, qui pour se défendre et ne pas sombrer dans la folie dresse une barrière invisible par le rire.


Inger Stevens est parfaite, d'une beautée à couper le souffle. Elle possède le rôle le plus fort, au départ présenté comme la demoiselle amoureuse de Glenn Ford, son statut de captif va la conduire à devoir elle-même commettre l'irréparable auprès de Glenn Ford pour pouvoir assurer sa vengeance. Une femme au début honnête qui elle aussi va se retrouver changé devant les méfaits de la guerre, pour devenir une véritable manipulatrice. Quel dommage que la comédienne est eut une brève carrière s'étant suicidée laissant seulement quelques oeuvres suffisantes pour la regretter.


CONCLUSION :


La poursuite des tuniques bleues est un western de Phil Karlson dramatiquement violent amenant son lot de folies, d'actions, d'émotions, de profondeur, et de divertissement.


Pas incontournable, mais extrêmement attrayant et dérangeant.



La guerre est finie, Major. Ça fait un moment déjà. Je lui ai montré la dépêche. C'est écrit ici. Incroyable, n'est ce pas ? La guerre est finie, Major.


Créée

le 29 déc. 2019

Critique lue 531 fois

25 j'aime

19 commentaires

Critique lue 531 fois

25
19

D'autres avis sur La Poursuite des tuniques bleues

La Poursuite des tuniques bleues
AMCHI
6

Critique de La Poursuite des tuniques bleues par AMCHI

La Poursuite des tuniques bleues est une bonne série B bien nerveuse surtout dans sa 1ère demi-heure qui tente à sa manière de dénoncer l'absurdité de la guerre, le message passe maladroitement mais...

le 11 juil. 2016

4 j'aime

10

La Poursuite des tuniques bleues
Boubakar
6

Critique de La Poursuite des tuniques bleues par Boubakar

Dans les années 60, le western va subir une mutation radicale déjà amorcée avec les films de Leone ; exit l'héroïsme à la John Wayne, place à des anti-héros, à l'ambiguïté, à des personnages crades...

le 13 sept. 2011

2 j'aime

La Poursuite des tuniques bleues
YgorParizel
6

Critique de La Poursuite des tuniques bleues par Ygor Parizel

Ce western de seconde zone n'est pas follement enthousiasmant mais pas irregardable pour autant. Le scénario sous forme de poursuite entre une troupe Nordiste et Sudiste, il y a également thèmes...

le 28 janv. 2015

Du même critique

Joker
B_Jérémy
10

INCROYABLE !!!

La vie est une comédie dont il vaut mieux rire. Sage, le sourire est sensible ; Fou, le rire est insensible, la seule différence entre un fou rire et un rire fou, c’est la camisole ! Avec le Joker...

le 5 oct. 2019

170 j'aime

140

Mourir peut attendre
B_Jérémy
8

...Il était une fin !

Quel crime ai-je commis avant de naître pour n'avoir inspiré d'amour à personne. Dès ma naissance étais-je donc un vieux débris destiné à échouer sur une grève aride. Je retrouve en mon âme les...

le 7 oct. 2021

132 j'aime

121