Les acteurs qui passent pour la première fois derrière la caméra font généralement la même erreur, en plus de celle habituelle de vouloir en faire trop, c'est celle de faire un film exclusivement pour des acteurs au point d'en oublier de soigner les détails et de tomber dans le sentimentalisme forcé. D'ailleurs un acteur qui passe derrière la caméra à plus souvent de chance de s'imposer comme un faiseur que comme un véritable auteur, même si il existe des contre-exemples comme par exemple Ryan Gosling qui a très bien réussi son exercice d'auteur récemment, et il est clair que Crowe s'impose ici comme un faiseur au service d'un script déjà établi. Il est aussi marrant de constater qu'en France, le premier film de Gosling et celui de Crowe sortent à une semaine d'intervalle, eux qui jouent ensemble dans le prochain Shane Black et cela permet aussi de constater que les deux individus ont une approche totalement différente du cinéma.


Crowe lui va se plonger corps et âme dans le récit d'aventure classique empli de bons sentiments menant au pathos et à la facilité d'écriture au sein d'un film qui veut trop en faire qu'il va finir par se perdre et même à ce diviser en deux. D'un côté on a le film d'aventure bien foutu sur la quête d'un père pour retrouver ses fils et faire ainsi son deuil en mémoire de sa femme qui aura le mérite de présenter une vision non-manichéenne de la guerre et en ne la nuançant pas montrant ses aspects de manière frontales avec des affrontements violents et des exécutions sommaires. D'ailleurs le film pour présenter cela ainsi que la vie du père et de ses fils avant la guerre va utiliser des flashbacks mais ceux-ci seront très mal intégrés au récit. Pris à part ce sont vraiment de très bonnes scènes, même les meilleurs du film mais elles ont tendances à tomber de nulle part et sont parfois clairement grandiloquente dans leur utilisation notamment quant le film part dans un délire métaphysique avec les visions du père. Et c'est là que l'on commence à voir que le film en fait trop avec ses histoires de sourcier qui peut retrouver ses fils par instinct car il les ressent même dans un pays qu'il ne connait pas, c'est vraiment gros et c'est aussi assez ridicule. Sinon pour les flashbacks, le film arrive parfois à être brutal et poignant à travers eux notamment au détour du scène qui montre le sort des trois fils, une scène qui met vraiment mal à l'aise et qui retourne évitant tout sentimentalisme pour montrer toute l'horreur de la guerre. Malheureusement lorsque cette scène sera réutilisé par la suite, elle sera plus longue pour rajouter un léger twist, qui est d'ailleurs très prévisible, et qui enlève toute la puissance de la scène pour la faire tomber dans le pathos et le misérabilisme ce qui est vraiment dommage. Surtout que malgré une envie d'appuyer sur la corde sensible, le film peine vraiment à émouvoir le spectateur et la sauce ne prend jamais. Sinon le film est empli de grosses ficelles scénaristiques, tout y est prévisible et téléphoné mais l'ensemble possède quelques bonnes surprises comme le personnage du commandant Hasan, celui du lieutenant-colonel Hughes et de la relation qu'ils entretiennent tout comme les liens qu'ils tissent avec Joshua. Leurs passages sont très bien dialogués et brosse de beaux portraits d'humanités. Mais tout cela va nous mener à la partie romance du film, qui se trouve en décalage avec le reste et qui se montre vraiment inintéressante, prévisible et empli de scènes téléphonés, on ne retiendra de cette partie que le jeux des acteurs car tout le reste est franchement agaçant surtout que le film à tendance à se montrer complaisant dans cette partie du film.
Par contre les acteurs sont tous impeccables et maintiennent l'attention du spectateur, Russell Crowe qui se taille la part du lion reste le grand acteur que l'on connait, il s'impose grâce à sa justesse de jeu et son charisme tandis qu'il offre à Jai Courtney son meilleur rôle, et celui-ci si montre très juste et relativement bon. Par contre à défaut d'avoir un personnage mémorable et que celui-ci se montre très caricatural, Olga Kurylenko s'en sort à merveille dans sa meilleure prestation à ce jour, c'est juste dommage qu'elle n'ait pas un rôle à sa hauteur. Sinon on retiendra aussi Yilmaz Erdoğan, impérial dans le rôle le plus réussi du film.
Pour ce qui est de la réalisation, le film dispose d'une magnifique photographie, qui magnifie les paysages somptueux de l'Australie et de la Turquie par contre la musique se montre trop souvent pompeuse plongeant dans le tire-larmes et le montage est parfois maladroit notamment dans les transitions avec les flashbacks assez mal placé. Par contre la mise en scène de Russell Crowe est maîtrisé, certes très classique voire convenue même mais elle se montre efficace et impeccable dans ce qu'elle accomplie. Après il est clair qu'il manque de subtilité et qu'il n'invente rien filmant son film comme n'importe qu'elle récit d'aventures mais il offre quelques beaux moments et des explosions de brutalités viscérales et bien foutues. D'ailleurs toute comparaison avec le cinéma de Mel Gibson n'est pas anodin, ils ont la même approche bourrine mais relativement sincère de leurs films.


En conclusion The Water Diviner est un film pas terrible, bourré de bonnes intentions mais qui rate à les exploiter correctement. D'où un sentiment de gâchis à la fin vu le potentiel de l'entreprise mais qui n'a fait que les mauvais choix. Russell Crowe n'étant pas un fin personnage exploite ça avec ses gros sabots, s'y donnant à cœur joie dans le bourrin et le sentimentalisme bateau ce qui peut perdre surtout lorsqu'il s'attaque à la romance du film. Néanmoins il offre à son film quelques beaux moments de grâce au détour de personnages à l'humanité forte, de passages spectaculaires et d'une naïveté déstabilisante mais attachante faisant plus de ce film un conte rêveur qu'un véritable film d'aventure basé sur un fait réel. Ça prouve vraiment que le film ne sait pas vraiment où il va et qu'il s'est perdu en chemin mais on ne peut que saluer la sincérité de Crowe qui à défaut de convaincre avec son premier film s'impose quand même comme un habile faiseur.

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le 18 avr. 2015

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