La Rage au ventre est un film correct selon moi mais qui souffre d'inégalités dans son traitement des émotions. Pour toute personne ayant vu plus de mille films, on repère assez facilement une trame scénaristique, si bien que l'on n'est, en général, pas surpris par tel ou tel dénouement et autres choix des divers personnages. Dans le cas présent, je ne m'attendais pas à grand chose et je n'ai été nullement surpris. Je savais seulement que l'on allait parler boxe. Et pour le coup, pour ce qui est de filmer des combats Antoine Fuqua semble maîtriser son sujet. Le tout est très dynamique, si bien que l'on se croirait réellement à la télévision à suivre notre combattant préféré mettre sa mine à son adversaire. De ce côté-ci, je n'ai pas grand chose à reprocher au film; Jake Gyllenhaal nous livre une fois de plus une performance artistique très nette et sincère, à croire qu'il a toujours été boxeur l'ami. La tension des combats est soignée, on se s'ennuie pas une seule seconde, bref ça envoie du lourd.


L'autre grand point positif se situe dans la façon très réaliste qu'à le réalisateur de nous plonger dans le milieu de la boxe. On y croit à chaque moment : les conférences de presse, les provocations, l’ego surdimensionné, l'argent, la drogue, la surenchère... C'est assez appréciable de nous immerger dans cet univers tout en ne cherchant pas à transgresser la réalité. C'est comme cela que ça se passe quand tu es grand champion, tu ne fais que quelques combats par an et tu empoches des millions. On peut trouver le milieu du Football révoltant, idem pour celui de la boxe professionnelle.


Maintenant pour ce qui est du reste du film, hein, parce que rappelons ce que nous dit l'affiche : Son plus grand combat se joue hors du ring ; l'histoire me semble assez bancale dans l'ensemble. On nous parle d'un grand champion qui a le prestige de posséder quarante-trois victoires pour zéro défaites, soit, c'est extrêmement rare mais soit. Seulement, voilà, suite à une oeuvre de charité qui se déroule dans le calme et l'habituelle morale du don pour se faire bien voir, la femme de Billy, notre héros, se prend une balle perdue venue tout droit d'un pistolet, lui-même tenu par l'un des hommes d'un "ennemi" de son mari. Le tout fait suite à de la provocation de bas étage (du style ta femme je la baise, du très haut niveau en effet) auquel répond l'ami Billy. Ça s’échauffe dans la chaumière et le coup de feu sort un peu de nul part. La donzelle décède, sans que le spectateur n'ait eu le temps de véritablement s'intéresser au personnage, pour au final laisser Billy élever seul sa fille. Mais notre héros est peut être un gagnant sur le ring, il n'en est pas moins un incapable lorsqu'il s'agit de faire les choses comme tout le monde. C'est un enfant à qui on a donné des gants de boxe et à qui on a dit que s'il frappait fort avec on le couvrirait d'or. Pour ce qui est du reste, Billy est assez énervant comme type. Il est certes maladroit avec sa fille et son entourage, mais ce qui transpire le plus chez lui c'est son égoïsme. Billy ne pense qu'à lui et à sa propre souffrance tandis que sa fille est en pleine perte de repères. Son égoïsme et sa colère seront tellement envahissants qu'il tombera dans la décadence, se prenant des directs alors que lui-même gît déjà au sol. Sur le papier, l'idée de la décente aux enfers, c'est souvent intéressant car cela permet de raviver l'intérêt du spectateur lors de la seconde moitié du film à base de montages d'entraînements à la Karaté Kid pour finir en apothéose. Seulement pour ce qui est du présent film, la chute de Billy ne me semble pas très crédible. On nous dit du jour au lendemain qu'il n'a plus d'argent... Et cela fait très peu de temps car son œil est encore enflé. Je peux comprendre que sa femme gérait tout à sa place mais tout de même le mec devait être multimillionnaire. J'ai trouvé cela très forcé pour servir à l'histoire et nous faire ressentir de l'empathie pour lui.


Par la suite, on reste dans du très classique. Billy retombe à son plus bas niveau dans tous les sens du terme et n'a plus rien à perdre. L’histoire du je retourne aux fondamentaux pour me retrouver pleinement n'a rien de très emballant, on l'a déjà vu cent fois et souvent beaucoup mieux fait. Sans aucune surprise, Billy remonte petit à petit la pente vers une rédemption qu'il pense salvatrice. La fin du film ne surprendra personne et nous aurons droit à des derniers plans sans véritable épilogue, du grand classique toujours.


Ce n'est pas une déception, j'ai eu mon lot de divertissement, je vous assure. J'en attendais peut-être un peu plus. Le combat final n'a que peu d'enjeu en tant que tel, c'est plus Billy qui se bat contre ses vilains démons. En soi, cela aurait mérité, je pense, plus de minutie. On avait besoin de charisme, bordel, pour un combat final ! Ici, aucune émotion ne transparaît de son adversaire, rien. Dans Warrior de Gavin O'Connor on avait cette émotion, ce charisme. On ne savait qui soutenir ou quoi penser des personnages. Ici on ne nous laisse aucun choix. Un film assez monolithique au final. C'est dommage.

Fosca
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films avec Jake Gyllenhaal et Les meilleurs films sur la boxe

Créée

le 9 oct. 2015

Critique lue 1.3K fois

15 j'aime

4 commentaires

Fosca

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

15
4

D'autres avis sur La Rage au ventre

La Rage au ventre
EvyNadler
7

Boule rageante

On ne va pas se mentir, j'ai honte du titre. Certes, c'est une référence qui prend tout son sens ici, mais qu'est-ce que c'est moche et indélicat. Pire encore, les internautes qui commentent leurs...

le 14 août 2015

40 j'aime

5

La Rage au ventre
Frédéric_Perrinot
4

St. Anger

L'éclectique Antoine Fuqua vient signer son nouveau film, et pour l'occasion il se met au service d'un scénario de Kurt Sutter, créateur de la série Sons of Anarchy et scénariste majeur de la série...

le 25 juil. 2015

38 j'aime

3

La Rage au ventre
HenriQuatre
7

Grrrrr

Ah, un nouveau film d'Antoine Fuqua est toujours un plaisir à découvrir ! On ne sait en effet jamais si le bougre va nous pondre le prochain Training Day ou une série Z sans âme style Equalizer. Si...

le 22 juil. 2015

38 j'aime

3

Du même critique

Juste la fin du monde
Fosca
8

Natural Blues

Bien malin celui qui parvient à noter sereinement ce film. Personnellement il ne m'est guère aisé de le glisser au sein d'une échelle de valeur. Dans tous les cas, une note ne pourra s'avérer...

le 22 sept. 2016

190 j'aime

13

Grave
Fosca
8

Deux sœurs pour un doigt

Bien que préparé à recevoir ma dose de barbaque dans le gosier sans passer par la case déglutition, je ne peux qu'être dans un tel état de dégoût et d'excitation à la fin de ce film qu'il me sera...

le 21 févr. 2017

134 j'aime

23

Mother!
Fosca
8

L'Antre de la Folie

Au commencement... Comment commencer à parler de ce film sans en révéler toute l'essence ? C'est bel et bien impossible. Le nouveau venu de chez Aronofsky n'est pas une œuvre dont nous pouvons parler...

le 8 sept. 2017

84 j'aime

18