La Reine des Neiges
6.1
La Reine des Neiges

Long-métrage d'animation de Chris Buck et Jennifer Lee (2013)

Tout le royaume d’Arendelle est en joie : aujourd’hui est le jour du couronnement de la princesse Elsa. Depuis la mort de ses parents, celle-ci vit seule au palais avec sa sœur Anna, mais au détriment de cette dernière, reste cloîtrée dans sa chambre. Ce qu’Anna ignore, c’est que si Elsa s’isole ainsi, c’est parce qu’elle a des pouvoirs qu’elle n’arrive pas à maîtriser, créant le froid, la neige et la glace à volonté. Mais une dispute entre les deux sœurs le jour du couronnement contraint Elsa à révéler involontairement ses pouvoirs au grand jour. Considérée par tous comme une sorcière, elle s’enfuit dans la montagne. Mais elle ignore qu’elle a instauré malgré elle un hiver éternel dans le royaume d’Arendelle. C’est à cette fin qu’Anna part à sa recherche, seule dans le froid. Mais le parcours ne va pas être de tout repos…


La Reine des neiges appartient à l’histoire des studios Disney depuis leur commencement. En effet, avant même de réaliser Blanche-Neige et les sept nains, Walt Disney voulait mettre en scène un long-métrage biographique sur Hans Christian Andersen, entrecoupé par des courts-métrages animés narrant ses contes. Mais la difficulté à adapter La Reine des neiges en animation, suivie de l’entrée en guerre des Etats-Unis et de la réalisation de films de propagande américaine par Disney, mettra fin à ce projet. Il faudra donc attendre le début des années 2000 pour que le conte d’Andersen revienne sur le tapis, et voie défiler plusieurs animateurs (dont Glen Keane et les frères Brizzi) avant d’être à nouveau abandonné. Jusqu’à ce que John Lasseter arrive à la tête des Walt Disney Animation Studios, et parvienne à faire revenir le vétéran Disney Chris Buck dans le giron des studios aux grandes oreilles, après un moment d’égarement chez Sony Pictures Animations. C’est Buck lui-même qui proposera à Lasseter de reprendre en main le projet maintes fois abandonné pour en faire un Classique Disney, y voyant là l’occasion de rompre avec l’image traditionnelle de l’amour sincère du Prince Charmant.
Avec La Reine des neiges, il trouve donc l’occasion de parler au jeune public d’un autre type d’amour, l’amour familial, en l’occurrence ici sororal. C’est en effet la grande nouveauté apportée par cette version de La Reine des neiges, qui, au fur et à mesure des réécritures, n’aura plus qu’un lien très lointain avec la version originale d’Andersen, même si l’on retrouve l’ADN de ce dernier dans le récit (pour une version fidèle du conte, préférer le film d'animation de Lev Atamanov de 1957).


Aidé par Jennifer Lee, qui apportera au récit sa version définitive, Chris Buck nous propose donc un Classique Disney qui brise les codes du genre pour résoudre son histoire non plus par le baiser du Prince Charmant, mais par l’amour sororal dans un final extrêmement réussi. Pour autant, La Reine des neiges n’en oublie pas de renouer, après des Mondes de Ralph innovants, avec la recette traditionnelle du conte de fées à la Disney, sur le modèle de Raiponce. Mais tous les problèmes de La Reine des neiges viennent de cette comparaison avec son aîné.
Car en effet, La Reine des neiges, c’est Raiponce sur tous les points, mais en moins bien. Les graphismes et les couleurs sont élégants et chatoyants, mais frappent moins la rétine que dans Raiponce, l’humour est amusant mais moins hilarant que dans Raiponce, la musique et les chansons sont belles, mais s’intègrent moins bien au récit que dans Raiponce, les personnages sont attachants mais pas autant que ceux de Raiponce… Bien évidemment, si l’on évite de comparer, ces points de comparaison deviennent immédiatement des qualités pour La Reine des Neiges, qui en rendent la vision très agréable) et même si les graphismes des personnages commencent à pousser à l’extrême certaines caractéristiques Disney de manière douteuse (les nez presque inexistants des deux héroïnes et leurs yeux trop grands), on ne pourra qu’apprécier se plonger dans cet univers coloré, aussi séduisant que dépaysant, fortement inspiré de la Norvège. A ce niveau, La Reine des neiges est un délice de tous les instants, délicieusement frais et sucré.


Là où, en revanche, La Reine des neiges pèche, c’est dans certains traits de son scénario, pourtant bien écrit dans l’ensemble. Premièrement, les pouvoirs d’Elsa sont traités au petit bonheur la chance : étant donné qu’elle ne les maîtrise pas, les scénaristes en profitent pour faire sortir de ses mains à chaque fois ce dont ils ont besoin et dont Elsa elle-même a besoin pour la situation qui l’occupe (un palais, un gardien-bonhomme de neige, des pics de glace juste assez longs pour immobiliser ses agresseurs sans les tuer, etc.), et si elle les maîtrise, la question est alors : pourquoi ne revient-elle pas réparer ses erreurs au royaume d’Arendelle ? Si on passe sur un enchaînement trop rapide des situations qui ne laisse pas le temps au spectateur de s’émouvoir, contrainte inhérente à la durée imposée du film, l’autre élément scénaristique qui gêne, c’est le twist concernant l’identité du méchant, trop artificiel pour être crédible. Au lieu de le préparer avec bon nombre de petits détails discrets qui prendraient leur sens au moment du retournement, les scénaristes préfèrent


faire passer Hans du statut de gentil prince altruiste et amoureux à méchant cynique et inhumain sans aucune transition,


massacrant du même coup la séquence de la chanson L’amour est un cadeau, qui devient d’autant plus désagréable qu’on se rend compte qu’on a dû la subir pour rien. Certes, ce twist est là pour renforcer le sens du film, et le message sur le vrai amour, mais cela n’excluait pas un peu de subtilité… Une subtilité que l’on aurait également aimé retrouver dans la manière de délivrer le message, tant il est ici restitué avec une délicatesse éléphantesque (la séquence où Elsa comprend où est le vrai amour est plus hilarante qu’émouvante). Malgré tout, on ne pourra dénier au climax du film une excellente dramatisation, qui la rend tout-à-fait mémorable


(le dernier souffle qui sort de la bouche d'Anna dans un grand silence, les flocons de neige qui s'immobilisent tous, la composition de l'image avec les deux sœurs au premier plan dans un grand moment tragique... inoubliable ! Dommage que la scène soit aussi courte).


Si on ajoute à cela des chansons du couple Lopez beaucoup trop nombreuses quoique souvent entraînantes, presque toutes condensées dans la première moitié du film, et qui s’y intègrent mal, tant sur le plan narratif que musical (écouter la transition entre la musique de Christophe Beck et Libérée, délivrée, inexistante : le changement brusque d’instrument, de tempo et de style n'est pas très heureux), on comprendra que La Reine des neiges n’est pas ce que Disney a fait de mieux en termes d’animés musicaux.


Reste que par son ambiance pleine de charme et de beauté, par son récit touchant, son humour sympathique, ses décors majestueux et la magie singulière qui s’en dégage, La Reine des neiges n’en est pas moins un très bon Classique Disney qui, s’il souffre légèrement de la comparaison avec ses aînés, s’intègre avec bonheur dans la grande tradition des studios, enchanteresse, que l’on découvre et redécouvre avec un plaisir toujours accru.

Tonto
7
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le 15 sept. 2018

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Tonto

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