La Rose de fer
6.2
La Rose de fer

Film de Jean Rollin (1973)

Jean Rollin fait figure de véritable OVNI dans le panel des cinéastes français. Écrivain et scénariste, il est surtout le réalisateur de plus d'une trentaine de films, pour la plupart appartenant au genre fantastique/horreur (mais aussi au porno), en plus de 50 ans de carrière .... ce qui en fait ni plus ni moins le français le plus prolifique en la matière.

Peu connu et controversé que ce Jean Rollin qui, s'il s'est constitué au fil des années une discrète communauté de fans, reste souvent associé au cinéma Z de très basse facture. Pourtant, ce serait une erreur regrettable d'attribuer à Rollin l'étiquette de réalisateur raté, d'auteur exclusif de productions calamiteuses titillant de plus ou moins près le nanar. Car si son cinéma est très inégal (le délicieusement consternant "Le Lac Des Morts Vivants", c'est lui, même si au vu des conditions, il fit ce qu'il peut), le personnage su parfois montrer une certaine sensibilité, un véritable talent de metteur en scène su donner naissance à de quelques films interessants.

C'est le cas de la Rose de Fer. Du moins, à mes yeux. Ne vous attendez pas cependant à une œuvre accessible, nous en sommes à des années lumières. La Rose de Fer, c'est peut être le film où le style et la sensibilité "Rollinienne" se sont exprimés avec la plus grande finesse.

Narrant l'errance d'un jeune couple perdu au beau milieu d'un cimetière, se déroulant en une seule nuit, en un seul lieu, La Rose de Fer est un film lent. Très lent. Terriblement lent même. Hypnotique. Surréaliste. La plongée dans l'univers de Rollin est difficile. Dans les premières minutes, d'étranges figures parcourent le cimetière, comme ce clown se recueillant sur une tombe ornée d'un chapeau. La nuit venue, le couple, et notamment son versant féminin, va progressivement perdre la raison, comme happé par le pouvoir du lieu. Une folie illustrée alors par toute une série de scènes contemplatives (les amateurs de plans-séquence apprécieront), à base de réactions improbables, de crises de paniques, de joie, de scènes sensuelles et d'odes poétiques à la Mort.

Et ce qui aurait pu facilement se transformer en expérimentation péteuse et pseudo-philosophique devient ici une jolie réussite, certes perfectible à de nombreux égards, mais qui mérite une réelle attention. L'intérêt principal du film réside dans la beauté des images, des cadrages judicieux, qui plongent le spectateur dans un romantisme noir, une ambiance gothique et sensuelle.

Rollin filme le macabre (cranes, chapelles, pierres tombales, croix, fosses, stèles funéraires...) avec un réel talent, de même que le corps de la femme, entremêle ces deux éléments et nous offre, malgré l'apparent budget limité du film, des scènes d'une réelle beauté. Lors de certains plans (la scène de la plage, le "jeu" avec la fameuse rose de fer du titre), on titillerait presque le génie. Et si les dialogues se font rares et le jeu des acteurs très inégal (du carrément grotesque au convaincant, selon les scènes), les quelques lignes du script sauront toucher par leur poésie.


Alors, La Rose De Fer, grand chef-d'oeuvre incompris comme certains fans l'affirment ? Je n'irai pas jusque là. Fumisterie pompeuse digne de l'honteux "Week-ends maléfiques du comte Zarof" de Lemoine? Absolument pas.

La Rose de Fer est un film atypique, à réserver aux cinéphiles avertis, amateurs d'une certaine beauté macabre, qui sauront s'y plonger doucement et retenir ses grandes qualités sans éteindre sa télé au bout de 30 ( 10 ? ) minutes sous l'effet de sa lenteur cadavérique (ohoh), de son coté rétro, du jeu "particulier" des acteurs ou de son surréalisme dans lequel on est vite perdu.

Pour ma part, ce film m'a séduit, et après un démarrage difficile, je fus happé par son étonnant romantisme et les divagations obscures de la belle Françoise Pascal. A visionner dans les meilleures conditions, sous peine de passer à coté de l'esthétisme du métrage, et de donc de son intérêt principal.
Ramlladu
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le 9 févr. 2011

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