Avec son dernier long-métrage sorti quelques mois avant sa mort, Kenji Mizogushi laisse un précieux et puissant héritage aux femmes de son pays. Il le fait en passant par la condition de vie des geishas forcées d’harceler les passants dans la rue pour offrir leur corps moyennant quelques yens qu’ils vont partager avec les tenanciers de la maison. Pas des poquées de la vie, mais des mères de famille courageuses qui se sont résignées à ce métier pour subvenir aux besoins des leurs. L’argent est omniprésent dans le film, on se paie, on s’en doit, on se rembourse, on en subtilise le plus possible aux clients quitte à lui faire croire qu’on va l’épouser. On y laisse sa dignité, il faut que ça rapporte. Mizoguchi est l’un des grands forgerons du cinéma Japonais qui se démarque par l’art de la composition de l’image et l’intelligence du propos. Ici point de séquences de nudité ou d’agression pour illustrer la dureté de la vocation, on a tout compris. Le jugement des proches est suffisamment cruel pour saisir le mal à l’âme de ces filles dont la solidarité est la seule arme pour vaincre la honte. Dès la première séquence il est question qu’une loi interdisant la prostitution puisse venir les sortir de cette spirale humiliante. Le propriétaire du bordel s’y oppose en faisant valoir que les filles sont plus en sécurité dans une maison supervisée. Les élus l’ont entendu. Les dernières images montrant une novice descendre dans la rue pour une première fois le visage affolé vient confirmer que la guerre au proxénétisme n’aura pas lieu.

Elg
8
Écrit par

Créée

le 23 mai 2023

Critique lue 2 fois

Elg

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur La Rue de la honte

La Rue de la honte
Theloma
8

Est-ce ainsi que les femmes vivent ?

Kenji Mizoguchi réalise entre 1922 et 1956 près d’une centaine de films. La Rue de la honte est son ultime réalisation. En brossant le portrait de cinq prostituées dans le Tokyo d’après-guerre,...

le 21 mars 2020

30 j'aime

17

La Rue de la honte
Krokodebil
9

Splendeurs et misères des courtisanes

Ultime film de Mizoguchi, véritable maître de l'âge d'or japonais, qui toutefois appartenait à la génération d'un Naruse et d'un Ozu (qui moururent quelques années plus tard) plutôt qu'à celle d'un...

le 14 avr. 2016

26 j'aime

1

La Rue de la honte
EIA
8

Red lights

Mizoguchi filme ici un Japon plus moderne et plus féminin : il parle ici d'une maison close, des filles qui la font tourner, des différentes histoires qui les ont poussées à y entrer, et de leur...

Par

le 1 janv. 2014

19 j'aime

5

Du même critique

À tout prendre
Elg
8

Dans le courant

Voir ce film en connaissance de la fin tragique de Claude Jutra et de sa postérité ternie par des soupçons de pédophilie est plutôt troublant. Comme si notre élan d’appréciation pour le travail du...

Par

le 16 nov. 2020

3 j'aime

La Grande Évasion
Elg
7

La fausse évasion

Après Le vieil homme et la mer et Les sept mercenaires, voilà un autre film de John Sturges qui me laisse sur ma faim. À chaque fois le sujet ou la brochette d’acteurs à l’affiche avaient semé chez...

Par

le 3 nov. 2020

3 j'aime

1

Accattone
Elg
7

Sans pitié

Âpreté est le mot qui me reste à l’esprit après avoir visionné le premier long métrage de Pier Paolo Pasolini. Tout est rugueux, aride dans ce film : les décors, le propos, les dialogues. Il y a une...

Par

le 2 nov. 2019

3 j'aime