On va commencer gentiment, ce n'est pas que La Salle des profs manque de bonnes idées le problème, mais plutôt qu'il les exécute mal. Les thèmes que sont la délation, d'accuser quelqu'un « sans preuves », auraient pu se montrer pertinent, encore plus dans un film allemand, mais ici, ça fait plouf. Ça fait plouf notamment parce que le personnage principal du récit fait systématiquement les choix conciliants, les plus softs, gentillets, n'hésite pas à se taire, ce qui rend le film très vite lourdingue du moment où on sait où il va nous mener. Une sorte de film qui serait tout autant anti que pro kafkaïen. Un oxymore pléonastique. Le long avance parce que les personnages sont cons et ne communiquent pas, parce qu'aucun n'est capable de se remettre en question, parce qu'ils font systématiquement tous les mauvais choix. Ce sont les intentions du réalisateur, certes, mais l'exécution est très pauvre, lourde, pachydermique.
Certains parlerons d'Anatomie d'une chute et l'absence de réponse quant à la culpabilité du personnage principal… mouai, ça n'a jamais été le principal sujet du film de Triet selon moi. Par contre, dans La Salle des profs, ça l'est bel et bien. Et quelle question mes amis ! Est-ce que cette personne qui est habillé de la même manière que le coupable, qui se comporte comme tel tout du long et fait tout pour envenimer la situation, l'est bel et bien ? Quel suspens ! Non ! Non car de sa comparaison à Anatomie d'une chute, La Salle des profs en oublie l'enquête pour n'en garder que l'émotion. C'est du drama facile.
L'un des plus gros défauts du film, et c'est quand même un poil ironique pour un film centré sur l'école, l'écriture des enfants. On n'y croit pas. On passe d'élèves très disciplinés traités comme des primaires à des rebelles clichés du lycée. Le pompon revient au journal et à toutes les séquences l'entourant, incroyable de conneries, incroyable dans les faits, même en acceptant toutes les exagérations possibles.
Les plus grandes qualités du film, finalement, sont celles sur lesquelles le réalisateur insiste le moins. Cette difficulté à suivre sa propre voie, d'assumer ses choix quand on ne veut pas faire partie d'un groupe. L'usage du cadre aussi, et cette règle de ne pas sortir de l'établissement, règle à laquelle le réalisateur ne dérogera pas. Enfin ce basculement, de plus en plus du style naturaliste, documentaire, vers du cinéma thriller.
Il y a un problème politique dans ce film, ou plutôt un problème « apolitique » (la bonne blague), suffit de lire le dossier de presse pour s'en convaincre, reprenons les mots du réalisateur :
Je ne pense pas que le film soit une critique ouverte contre le système éducatif, la jeunesse ou les parents. Tous les personnages luttent pour avoir raison, et c’est simplement un reflet de la société, il suffit d’allumer la télévision et voir que c’est l’unique sens du débat.
Tout est dit, La Salle des profs est un film sur des « personnages [qui] luttent pour avoir raison », et c'est tout ce qu'il y a à comprendre. Le long se place-t-il à gauche ou à droite ? On peut tout aussi bien y voir une critique de l'encadrement, bien plus coupables que les élèves qu'ils sont censés accompagner, que d'un système scolaire défaillant qui aurait été en prime gangrené par une nouvelle génération « d'éveillées » (pour ne pas reprendre son équivalent dans la langue de Shakespeare qui ne veut rien dire). À vous de choisir, fromage ou dessert, le spectateur repartira avec ce qui lui plaira. En s'épargnant le plus possible de parler politique, La Salle des profs en devient ironiquement un film centriste. L'état de délabrement de l'école en Allemagne, faisant l'objet de nombreuses critiques dans le monde de la vérité véritable (tout du moins, j'en ai la forte impression), est ici éludé. Pas de classes surchargées, pas d'école en mauvais état… finalement, il n'y aurait pas tant de problème que ça financièrement parlant et ce serait donc le fonctionnement physiologique du système qu'il faudrait remettre en question. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Leibniz avait raison, ce qui justifie qu'un film de la sorte arrive à secouer tout un pays…
Prenons une tisane puis allons dormir, les oiseaux chanteront demain.