Il y a quelques années, le roman La Tresse sortait et comme beaucoup, je me suis empressée de le lire. Alors évidemment, même si ma lecture n'est plus très fraîche, j'avais beaucoup d'attentes face à ce film et mon avis voudra évidemment défendre l'histoire face à la mise en scène qui en a été faite.L'histoire m'avait touchée, emportée et captivée grâce à sa construction polyphonique qui nous fait suivre les destins de ses 3 femmes vers lesquelles on est téléporté.e.s tour à tour aux trois coins du globe. On s'attache à chacune d'entre elles, on leur voue une empathie et un rapport totalement différent qui fait foisonner en nous toute l'étendue de cultures, de personnes, de paysages et de vies que la terre a à offrir. Sur ce point là, le film a su être fidèle à cette narration en nous montrant en image ce que le livre nous laissait imaginer. On alterne entre des séquences avec chacune des femmes, où on les retrouve à chaque fois à un stade différent de leur chemin. L'équilibre est respecté, on bascule facilement dans les 3 atmosphères. on arrive à apprendre petit à petit les différentes histoires et créer un lien singulier avec chacune, bien que leurs caractères et approches soient très différents. Dans ces 3 histoires, nous sommes amenés à rencontrer des personnages secondaires plutôt intéressants, on ne peut omettre que ce casting est remarquable: de la fraîcheur et de la nouveauté à l'écran, des visages expressifs qu'on ne connaît encore que peu et des regards perçants qui nous emportent dans leur histoire. L’attachement créé par le spectateur envers ces héroïnes et leurs entourages est un point fort du film, qui réussit à nous émouvoir et nous porter dans un voyage. Pourtant, les transitions entre ces trois parties ne sont pas des plus fluides et naturelles. La composition musicale que l’on retrouve à chaque moment de transition fait ressentir une mélancolie, une sorte de mystère qui m’a semblé plus me mettre à une soudaine distance de l’histoire et des femmes. Une sorte de bande son de clôture d’épisode de série qui servirait plus à quitter le spectateur doucement tout en l’incitant à regarder la suite qu’à un élément de liaison uniforme entre plusieurs récits d’un film dans lequel on plonge de plus en plus profond. Si à la fin cette BO joue tout de même son rôle de « fermeture » du film et est donc plus digeste, elle est très peu appropriée au début/première partie; s’ajoutent à cela plusieurs « premières scènes » avec chacune des femmes qui manquent cruellement de réalisme et de vraisemblance. Une mise en scène trop lissée, romancée, des gestes auxquels on ne croit pas et des lieux trop impersonnels. L’image lissée des plans larges fixes sur les différents environnements crée une sorte d’esthétique trop propre et parfait de ces lieux et leurs personnages, qui auraient pu être plus intéressants avec plus de profondeur en les voyant d’un axe différent: Le bureau de Sarah par exemple, filmé de dos, grande baie vitrée donnant sur les buildings d’affaires montréalais, ressemble plus à une pub d’entrepreneuriat qu’à un plan contemplatif nous situant dans l'environnement du personnage. Si son utilité était de montrer la vie cadrée, droite, stricte et sans faille de cette avocate qui se voue à sa carrière professionnelle, on le comprend déjà bien dans les dialogues et comportements de Sarah elle-même. Casser cette rigidité dans le cadre aurait pu nous rapprocher d’elle et non nous éloigner. Lorsque Giulia rend visite à son père à l’hôpital, l’actrice Fortinì Peluso fait preuve d’un jeu remarquable quant aux émotions complexes qu’elle transmet dans ses expressions, mais le choix de faire de certains mouvements clichés, pas naturels et sans intentions intéressantes les actions centrales de certaines scènes vient dégrader ce jeu et les émotions qui peinent à être transmises et vécues réellement par le spectateur; Le geste de la main qui se pose lentement sur la vitre à travers laquelle elle voit son père prend bien trop d’espace et semble nécessité une chorégraphie de mouvement peu probable à laquelle on ne croit pas.Je noterai aussi un travail du son qui aurait gagné à être davantage travaillé et élaboré. Il manque une richesse sonore, une expérience auditive qui nous titille les sens et nous emporte avec elle dans la matière des lieux, des corps et des vies. En Inde, lors du périple en train de Smita et sa fille, la présence de plus de bruitages, de discussions de foules, de bruit de ville agitée simplement aurait aidé à ancrer ce récit dans le réel, en nous emmenant pas seulement dans la tête et la perception des personnages mais dans les milieux distincts où ils évoluent et font face à l’inconnu. Finalement, malgré ces défauts de réalisation, ce film porte une très belle histoire, touchante et essentielle dans la sensibilisation de la lutte contre le cancer chez la femme, qu’on est amenés à observer d’un oeil différent et porté sur les thématiques très personelles de la reconstruction de soi, du travail, de la confiance en soi et du rapport des personnes touchées à elles-mêmes avec leur maladie. Un récit singulier et individuel auquel on est projeté depuis l’universel, qui nous renvoie à des milliers de vies différentes mais qui toutes, à l’unisson, appellent à la solidarité.
Reste à discuter encore du fond ESSENTIEL de l'histoire de cette boucle qu'est la fabrication de ces perruques, les valeurs défendues et les droits humains respectés. Dur de s'imaginer que l'import de cheveux venant d'Inde qui ont étés des offrandes à Dieu (et dont les femmes fuyant la pauvreté n'en ressortent pas plus riches, mais ça on ne le montre pas ) se retrouvent à être vendus des centaines de dollars au Canada après être passés par l'italie et que tout reste beau et rose comme on le montre ici!!