Trop rapide

La Troisième Guerre est un film en demie teinte. Il vise juste quand il touche à la représentation de la paranoïa, au fait que l'on peut littéralement tout interpréter comme un danger, même les trucs les plus triviaux. Et prend le temps de montrer le dilemme que les personnages se posent nécessairement car ils savent qu'ils interprètent. Oui le sac est chelou, mais en même temps peut-être pas, mais en même temps ils ont peut-être raison. Ça vise juste parce que finalement ça pose la question de l'adéquation d'avoir l'armée dans un pays en paix (ou tout cas, pas en guerre armée sur son sol). On comprend qu'un militaire voie du danger partout, car c'est son métier, de faire la guerre. Mais à Paris ? Et on le ressent ce dilemme chez les personnages du film.

Sur le reste, La Troisième Guerre semble souffrir d'un vrai problème d'écriture. Passons sur le degré de réalisme qui me fait quand même un peu douter (le soldat qui décroche son téléphone personnel en mission, en pleine manif ? Le soldat qui s'assoit sur les marches parce qu'il en a marre ?). C'est surtout sur l'évolution de son personnage que le film pêche. Dès le début en fait on sent que le gars est vrillé, qu'il a un problème psychologique, qu'il n'a rien à faire dans l'armée car il est instable. On le sait dès le début qu'il va déraper, les signes sont partout. Du coup, on n'a pas l’impression de voir un film sur l'ennui et la lassitude qui fait évoluer un soldat qui finit par déraper. On voit juste un mec qui dès le début peut déraper, mais qui retarde son moment. Ce n'est pas vraiment un film sur l'inadéquation des militaires qui patrouillent en France, mais surtout un film sur l'inadéquation d'UN militaire qui est en fait un peu instable. Du coup, le film passe un peu à côté de son sujet en peignant un mec qui n'évolue pas vraiment.
Et puis, on a un thriller qui se veut haletant, et c'est bien le problème. Tout va vite, il se passe toujours quelque chose, il y a toujours des évènements. On ne ressent aucun ennui, aucune lassitude, et du coup on ne ressent pas ce que sont censés ressentir les personnages. Pourquoi ne pas filmer les militaires patrouiller pendant 3 heures ? Pourquoi ne pas vraiment filmer l'ennui ? Faire monter la désespérance des protagonistes en même temps que celle du spectateur, pour que nous aussi on finisse par avoir envie d'exploser ? Pourquoi faire parler sans cesse les militaires qui patrouillent ?
Les défauts du film culminent dans cet arc scénaristique avec la fille au téléphone. On nous explique qu'il a envie de se rendre utile pour une fille qu'il ne connait pas. On a en réalité plutôt l’impression de voir un moyen pour le réalisateur de nous dicter de manière pédagogique les pensées de son personnage, incapable de nous les faire ressentir ou comprendre, encore une fois tant le film va vite et souffre de problème d'écriture.