Le futur réalisateur de "L'ours" et de "Le nom de la rose" s'essaie avec brio à la satire historique sous fond de première guerre mondiale. Quoi de mieux que l'angle colonialiste et ses aberrations pour traîter de la bêtise humaine attisée par des relents nauséabonds de suprêmatie blanche et de religion (bizarre, on se croirait en 2017 !). Janvier 1915, la vie s'écoule pésiblement sous le soleil d'Afrique-Equatoriale française proche de la frontière du Cameroun allemand. Les comptoirs français et germaniques vivent en bonne intelligence. L'homme blanc est un roi sur ce petit bout de terre où la vie des autochtones n'a pas grande valeur. La vie du comptoir est régie par l'autorité militaire en charge, à savoir le sergent Bosselet (Jean Carmet), un gradé désabusé, porté plus sur la boisson que sur l'autorité ! Jean-Jacques Annaud en profite pour nous présenter une jolie brochette de coloniaux, en particulier, le négociant Paul Rechampot (Jacques Dufilho) et son frère Jacques (Claude Legros) tout deux épiciers abrutis et racistes. Annaud n'oublie pas non plus d'éclabousser les hommes d'église à travers deux missionnaires catholiques plus enclins au troc avec les indigènes qu'à l'évangélisation. La nouvelle du conflit viendra d'un colis et de journaux reçus par le jeune botaniste-géographe Hubert Freynoy (tout jeune Jacques Spiesser) considéré comme un intellectuel par le reste des colons. Un élan patriotique va alors se mettre en marche sur ce petit territoire français pour combattre l'ennemi allemand. Qu'à cela ne tienne, la France se battra, mais le sang versé, lui, ne sera pas français ! Jean-Jacques Annaud avec "La victoire en chantant" dont c'est ici le premier film, livre un phamplet anti-colonialiste à la fois drôle et intelligent, sans rien enlever à la gravité du propos. Ce portrait au vitriol essentiellement dû à son casting de personnages aussi lâches et pathétiques que maléables (les retournements de vestes sont légions) et ignares, est le reflet d'un passé pas très glorieux. Jean-Jacques Annaud tape là où ça fait mal ! Le long-métrage n'aura d'ailleurs pas le succès escompté en France (comme par hasard !) mais le film obtiendra l'Oscar du meilleur film étranger en 1977.