Film qui tonne, étonne, détonne. Faut pas être une pleureuse, faut être un acharné du cinéma, aimer profondément la découverte et la nouveauté, aimer être surpris et bousculé pour apprécier ce film qui sort des sentiers battus. De par la tenue du scénario, la mise en scène pleine de surprises et de détournements, pleine de malice surtout, de pièges, de chausse-trappes en tout genre et d'autres filouteries jouant des clichés qui nous touchent.

Ceux qui aiment à voir ce à quoi ils s'attendent seront déçus : le film passe son temps à virer de gauche à droite. Littéralement! Wes Anderson est un cinéaste qui aime le travelling. C'est par ce film que j'ai abordé la planète Wes Anderson pour la première fois. Bonne pioche : le film me parait à la revoyure une parfaite illustration des thématiques et de l'univers visuel du cinéaste.

De fait, on peut d'ores et déjà déceler, bien évidemment, ce qui fait tiquer certains spectateurs rétifs à entrer dans cet univers au style si marqué. Parce que ce film entend nous divertir oui, mais pas à n'importe quel prix. Hors de question pour Anderson de livrer un spectacle banal, il lui faut marquer son film de son empreinte quasiment à chaque plan, sur chaque mouvement de caméra ou sur chaque cadrage fixe. Il faut le mériter ce film.

C'est vraiment histoire de forme avant tout, je crois. Parce qu'au fond ce qu'on nous raconte n'est pas insolite du tout, ni vraiment loufoque d'ailleurs. Un fils retrouve son père. Cette histoire naturelle et ordinaire est rendue extraordinaire par un traitement frappadingue des plus rafraîchissants. Et qui plus est, un traitement des mieux foutus dans le cinéma actuel. La photo très colorée, comme les cadrages minutieusement organisés, la foultitude de petits détails poétiques, la geste géométrique de la caméra sont au service d'un texte pince-sans-rire où la frontière entre les différents émotions est gardée très floue afin de laisser les spectateurs entre rires et larmes.

Le casting, riche, impressionne pour la plupart. Murray fait du Murray. Et il faut avouer qu'il est le meilleur pour faire du Murray, jusqu'à maintenant. Dans la retenue "Buster Keatonienne", il n'est pas le seul dans ce registre, madame Huston ou monsieur Dafoe ne sont pas en reste dans cette gamme. J'aime bien aussi Owen Wilson et l’œil perçant de Cate Blanchett. La variété de proposition de cette troupe renforce l'effet chaotique et montre bien les enjeux relationnels, la difficulté pour l'équipage à gérer les sentiments, les frustrations, les craintes.

Bref, un très bel objet. A voir et à revoir. En blu-ray si possible (projet personnel).
Alligator
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le 23 janv. 2013

Modifiée

le 30 août 2014

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Alligator

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