“Les Bourgeoises, c'est comme les cochonnes...”

Cher Abdellatif Kechiche,


Vous êtes un génie.
Un génie du mal pour être exact.


En effet, en 2013, la France décide, sous le commandement de Christiane Taubira, d'adopter une loi autorisant les couples homosexuels à se marier. Cet épisode est considéré comme étant un acte important, voire historique pour les droits de la communauté LGBT+.


Mais l'année 2013, c'est également celle de la sortie de votre film, Mr. Kechiche... Film qui, d'autre part, est une adaptation de la bande-dessinée "Le bleu est une couleur chaude" de Julie Maroh. Cette bande-dessinée avait fait parler d'elle, reçu plusieurs prix et surtout, était fortement appréciée pour le fait qu'elle narrait la romance d'une adolescente découvrant son attirance pour les femmes grâce à sa liaison avec une jeune artiste peintre. Et ce, de manière poétique mais réaliste, sans s'enfoncer la tête la première dans les clichés sociétaux mais en présentant tout de même des scènes communes terribles que beaucoup de LGBT+ ont pu vivre dans leurs existences (Difficulté de faire son coming-out, regard extérieur omniprésent, brouille avec une partie de son entourage, etc...)


Quelle coïncidence, n'est-ce pas ? Le timing semble parfait pour la sortie de votre film.


Les médias, le festival de Cannes, les spectateurs, tous pensaient que votre film serait une sorte de "tract contre l'homophobie".
Les gens sont donc allés voir votre en film en masse, dont moi.


Je tiens à préciser que "La vie d'Adèle" fût pour moi le film qui m'a fait découvrir votre cinématographie, comme sûrement beaucoup d'autres spectateurs à l'époque.


Et c'est là que nous nous sommes fait surprendre...


Certains étaient émerveillés, d'autres en colère.
Certains avaient beaucoup apprécié, d'autres ont détesté.


Moi ? Disons que votre film m'avait dérouté. Il n'est pas extrêmement fidèle à la bande-dessinée que j'avais lue au préalable. Cependant, j'avais compris à l'époque que cela n'a jamais été dans vos intentions. Vous essayiez de nous transmettre autre chose.


Quelques années ont passé. J'ai grandi. Mon sens critique et ma culture politique et cinématographique ont évolué. Je me suis donc repenché sur votre œuvre avec mon regard nouveau et ça y'est. J'ai compris.


Abdellatif Kechiche, sachez-le, vous êtes un véritable chieur.


Vous avez profité du climat de libération des droits LGBT+ pour assurer le succès de votre film en salle, et qu'il soit visionné par bon nombre de spectateurs, y compris ceux que vous méprisez tant : les bourgeois !


Car oui, admettez-le, si votre film s'était appelé non pas "La vie d'Adèle" mais "La vie d'Antoine" et que vous aviez changé le genre de votre personnage principal, l'histoire et les thématiques de votre œuvre auraient-elles été si différentes ?
Pas vraiment, non.


Cela s'explique pour une raison simple, votre film ne parle pas d'homosexualité. Vous avez laissé sournoisement les médias et les spectateurs penser cela. Il n'en est rien. Votre film est bel est bien un pamphlet contre la bourgeoisie. Rien d'autre.


Permettez-moi d'ailleurs de vous proposer un résumé que j'estime plus en adéquation avec votre film que celui que l'on peut trouver dans la presse spécialisée :
Adèle, une jeune lycéenne issue d'un milieu ouvrier, fait la rencontre d'Emma, une étudiante aux beaux-arts. Pensant trouver en Emma l'amour de sa vie, elle ne s'attend pas à vivre avec une personne toxique qui la méprise dès le début de leur romance non réciproque car elle n'est pas à son niveau social. En effet, là où Adèle est une fille simple, prête à se contenter de son travail et de sa relation avec celle qu'elle aime. Emma passe son temps à la trouver peu ambitieuse, peu ouverte, peu intéressante... Contrairement à elle donc... Pouffiasse...


Emma est représentée sous une forme élitiste appartenant à un monde auquel Adèle n'aura probablement jamais accès. Ce qui nous pousse à nous demander : Les bourgeois sont ils, tout simplement, capable d'aimer ?


Ai-je bien interprété votre film, cher Abdellatif ? Je pense que oui.


Votre long-métrage est un pur film de gauche engagé jusqu'à la dernière bobine.
Vous filmez le peuple avec un réalisme et une sincérité déconcertante.


Vous arrivez à faire livrer à vos acteurs (plus particulièrement à vos deux actrices) des prouesses de jeu tant vous êtes impliqué.


Je ne vous cache pas que je cauchemarde encore de la scène où Adèle et Emma se retrouve dans un café vers la fin du film. Cette scène de dialogue, pourtant simple, se révèle incroyablement efficace tant j'étais investi émotionnellement. Vous êtes décidément doué pour me donner la chair de poule, espèce d'enfoiré que vous êtes.


Les scènes de sexe ? Je ne les trouve pas inutiles comme certains l'ont pensé. Au contraire, elles marquent plusieurs évolutions dans la vie de couple des deux protagonistes et démontrent le dévouement corps-et-âmes (sic) des actrices pour leurs rôles.


Bref, quoi qu'on dise et quoi qu'on pense de votre film, vous devez le savoir, il n'y a qu'un seul gagnant dans cette histoire : vous.


Félicitations pour votre Palme d'Or, même si je me doute que vous ne faites pas du cinéma pour les récompenses, et continuez votre combat idéologique à travers le prisme de votre caméra.


Cordialement,
Un mec qui vous emmerde tout en vous applaudissant.

VICTOUZE
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le 14 janv. 2021

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VICTOUZE

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