Difficile d'aller voir La Vie d'Adèle en faisant fi de tout le battage médiatique qui suis le film depuis depuis que tonton Spielberg lui a remis sa fameuse palme. Je pense pourtant être entrer dans la salle avec une certaine neutralité et surtout une réelle envie de voir ce que la palme d'or de l'année avait dans le ventre. Oublions donc les polémiques et nos préjugés pour se concentrer sur ce que les événements ont un peu occulter : le film.

Que les choses soient claires : La Vie d'Adèle possède bel et bien tout les défauts qu'on peut attendre du film nombrilisto-naturaliste français. Dès la première scène du film (sans doutes un des seuls plan large d'ailleurs), qui nous montre la brave petite Adèle ratant son bus, on comprends tout de suite à quoi on a affaire.
Les choses continuent dans une salle de classe qui donne l'occasion à Kechiche de citer La Vie de Marianne (pas celle d'Adèle, attention !), parce que citer de grands auteurs fait toujours bonne impression. Une façon pas très finaude de nous donner le sous-texte du film en somme.
Et quand on se retrouve dans la salle à manger de l’héroïne, entourée de sa famille, en train de bouffer des spaghettis bolognaises face à Questions pour un champion, on a définitivement compris qu'on a intérêt à aimer le « réel » de Kechiche, car on va définitivement en consommer jusqu'à plus soif !

Le film distille également ça et là des discours pachydermiques sur la sexualité des hommes et des femmes, l'art ou encore la littérature. Des choses qui auraient pu être intéressantes si elles profitaient d'une vraie continuité dans le récit et ne se contentait pas d'être balance à la volée, comme pour rajouter des thèses au film. C'est d'autant plus énervant que ces défauts nous apparaissent comme des tics auquel le réalisateur semble s'accrocher sans pour autant trop vouloir s'attarder dessus.

On aurais également espérer plus de variété niveau mise en scène. Le film se limitant à quelques plans relativement larges et à une abondance de gros plans (voir très gros plans) qui visent à capter la moindre émotion des comédiens. La séquence la plus agréable visuellement étant sans nuls doutes celle dur premier rencart qu'on les deux filles. On comment un mise au point sur le visage des actrices, couplé au vent dans leurs cheveux et à un arrière plan qui laisse passer les lumières du jour à travers les arbres, peut suspendre le temps et crée un onirisme bienvenu. Et le réel dans tout ça Kechiche ?

Un mot sur les fameuses scènes de sexe. Filmées évidemment en gros plans et prenant un malin plaisir à nous détailler chaque coup de langue, au point qu'on sentirais presque les salives d'Emma et Adèle à travers l'écran, elles constituent clairement un point faible du film. Si la première peut éventuellement justifier sa longueur (à vu de nez, entre 7 et 9 minutes) par le fait qu'il s'agit de la découverte du corps de l'autre pour chacune et la découverte du sexe au féminin pour Adèle. Les deux qui suivent apparaissent comme clairement gratuites. Il est d'ailleurs bon de rappeler qu'avant d'en arriver là, Adèle passe par une scène de masturbation et un rapport hétéro. Ces deux précédentes séquences, plus sa première fois avec Emma auraient largement suffit.
Le côté sulfureux du film ressortant même à la toute fin lorsque Kechiche juge bon de nous filmer les fesses de son héroïne en train de prendre sa douche. Le film tombe verse donc dans une gratuité qui en deviendrais presque dérangeante et qui par instants jure avec le reste de l'histoire d'amour. Il est évident qu'une passion amoureuse racontée sans sexe est aberrante, mais le réalisateur arrive dans un autre extrême en lorgnant du côté du voyeurisme (revoyez le génial Y tu mamá también de l'immense Alfonso Cuarón pour voir des scènes de sexe crues et décomplexées filmées de manière intelligente).

Arrivez à ce stade là vous vous demandez sûrement comme j'ai fait pour apprécier ce film, d'autant que sa durée a de quoi effrayer. Et pourtant, malgré tout les défauts (et bien d'autres) que j'ai pu citer, il faut bien avouer que les 3 heures du film passent non seulement vite, mais également avec très peu d'ennui.

La raison étant que l'histoire d'amour bouleverse réellement, les actrices ont tout donnée pour leurs rôles et ça se sent. Les regards, gestes, sourires et baisers qu'elles se portent l'une à l'autre touche réellement le cœur du spectateur. C'est d'ailleurs de ces choses dont on se souvient, la caméra de Kechiche captant la moindre de leurs émotions pour mieux nous la faire sentir de l’intérieur.
Toute la sensualité de leur relation passe alors par des petits détails, pas par leur scènes d'amour qui paraissent bien peu touchantes, par rapport à une chose aussi simple qu'Emma embrassant Adèle dans le cou par pure tendresse.
D'une tendresse et d'une sensibilité à fleur de peau, la passion dévorante d'Adèle pour Emma prend véritablement vie à l'écran. Rarement une relation amoureuse aura été aussi bien traduite au cinéma, au point de la faire réellement vivre émotionnellement aux spectateurs.
Plus que n'importe quoi d'autre dans le film, leur amour nous apparaît comme terriblement juste. Au point d'en occulter presque toutes les maladresses du film.

Un dernier mot sur le montage du film qui joue sans doutes pour beaucoup dans le fait qu'on ne voit presque pas le temps passer. On regrettera juste que le réalisateur saborde assez vite les problématiques liées aux parents ainsi que le personnage de Valentin alors que les deux jouaient des rôles plus important dans la BD. On sait notamment que la scène très importante de dispute avec les parents d'Adèle a été tournée. Croisons les doigts pour que la version longue du DVD (avec un peu moins d'une heure en plus) corrige ces défauts.

La Vie d'Adèle est donc un film dans lequel se bagarrent d'un côté un certain cinéma d'auteur français et de l'autre une histoire d'amour bouleversante. Le premier semblant avant tout émailler le film, alors que le second le constitue réellement, le combat est très largement remporté. La preuve étant qu'aujourd'hui, la simple vision d'une affiche ou d'une photo du film, suffit à faire renaitre chez moi les sentiments et les émotions que j'ai ressentit lors de mes deux séances. Autant dire que je vous le conseille...
DrSanguin
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le 18 oct. 2013

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DrSanguin

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