Extraordinaire, merveilleuse Adèle Exarchopoulos criante de vérité sur le moindre plan. Le justement renommé "La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2" est un chef-d’œuvre d'acting, d'écriture et de mise en scène. Oui mais voilà ! Autour de ce merveilleux film sur Adèle il y a une des choses que je déteste le plus.
Tant que le film se concentre sur Adèle, et même si je ne suis pas un grand fan de la réalisation de Kéchiche à coup de gros plans permanents et de caméra à l'épaule (à mon goût, il faut savoir ne pas utiliser qu'une seule technique pour qu'un choix artistique prenne toute son importance et toute sa puissance), Kéchiche nous livre une œuvre intelligente, sensible et subtile. Très bien écrite et fortement ancré dans le réel, le quotidien, Kéchiche poétise une histoire "vraie", sans jugement, cassant les préjugés. Remarquable directeur d'acteur ou manipulateur tyrannique selon les points de vue il modèle Adèle Exarchopoulos comme il l'a fait d'Hafsia Herzi et de Sara Forestier pour offrir une interprétation extraordinaire. On remarquera que la direction d'acteur n'est pas aussi efficace avec une Léa Seydoux moins malléable (moins manipulable ?) dont l'interprétation passe du très bon au sur-jeu (la scène de la séparation notamment).
Donc voilà, le film sur Adèle est magnifique, époustouflant mais tout le reste autour construit un discours de militant marxiste. Et ça ça me pose problème. Là où il éclatait les stéréotypes dans L'Esquive, La Graine et le mulet et dans la vie émotionnelle, intérieure d''Adèle, tout le reste du film est une série de stéréotypes sur l'opposition du prolétariat et de la bourgeoisie. Chez les bourgeois on mange à 20h des huîtres et des écrevisses, mais le prolo vous recevra à 18h30 devant Question pour un champion avec un beau gros plat de pâtes bolo. Chez le bourgeois ont bois du vin blanc, chez le prolo on boit de la bière. Chez le bourgeois on est cultivé et on intellectualise l'art, chez le prolo on aime pas lire ou quand on aime lire il ne faut surtout pas intellectualiser. Il nous ferait presque un plaidoyer en faveur des bourgeois si ce n'était pour mieux dénoncer leur fatuité par l'intermédiaire de la caricaturale et détestable Emma et glorifier la simplicité et le bonheur prolétaire via Adèle. Emma qui se conduit tellement comme la pire des bobos intellectuelles, égoïste et égocentrique et qui nous rejoue la figure patriarcale et machiste du mâle rentrant de sa dure journée de labeur et n'adressant la parole à sa femme que pour demander "qu'est-ce qu'on bouffe ce soir" qu'on se demande comment il est simplement possible qu'Adèle reste avec un "mec" pareil. Là où Woody Allen dénonçait cette fatuité avec humour et en se moquant de lui-même, de son côté bobo (même si le terme n'existait pas à l'époque), de son érudition et de son intellectualisme forcené et même de son égocentrisme dans Manhattan ou d'autres films de sa filmo, Kéchiche le fait avec un ton moralisateur des plus détestables. Si ce film n'est pas un film militant pro LGBT, c'est un film militant d'extrême gauche.
Toute la difficulté réside donc à noter une antinomie presque parfaite entre l'iconoclaste et magnifique histoire d'Adèle et le reste de ce film qui se résume à une mauvaise caricature moraliste sortie tout droit d'un pamphlet Trotskiste.

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le 1 avr. 2014

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ghyom

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