L'histoire bien jouée du banal amour d'un couple singulier

Qu'aurait-on dit de ce film s'il avait été question d'une relation entre un homme et une femme ? Question quelque peu réthorique mais révélatrice. La vie d'Adèle, dans une telle optique, se distinguerait avant tout par la grande simplicité de son scénario et l'extrème longueur de son déroulement. Une histoire d'amour badine à la Lepech, exposée tout au long d'un montage chronologique de 3h dont les points saillants (rencontre, amour, rupture) sont étirés avec oenteur jusqu'à saturation à la Antonioni. A cela il faut ajouter l'alternance entre d'omnipotentes scènes sexuelles, dignes de vidéos érotico-pornographiques tant pour leur contenu que leur durée, et de récurants dîners dont la grossièreté est accentuée par de très gros plans fixant avec obstination les bouches des convives. Rien en somme qui eut mérité au réalisateur d'une telle oeuvre un semblant de mérite ou reconnaissance.


Mais précisemment il ne s'agit pas d'une histoire d'amour entre hétérosexuels, mais bien entre deux jeunes femmes. Dans cette optique là, si la mise en scène demeure la même à quelques éléments prêts (notamment le visuel durant les scènes de sexe), le sens et l'enjeu du scénario s'en trouvent transformés. Diminués pour certains, dans une posture dogmatique homophobe ou du moins très conservatrice. Manifiés pour d'autres, dans une logique inverse. On peut aussi voir ce film, dans une tierce perspective, comme une tentative plutôt réussie de normaliser un couple homosexuel aux yeux de la société. La vie d'Adèle montre en effet qu'une lesbienne connaît des hauts et des bas dans ses relations, à l'instar de n'importe quel hétérosexuel. Cela ressort également de la forte dimension naturaliste de la réalisation: les sujets (lycéens, artistes, instituteurs), le lieu (Lille), l'action (une romance classique dans la forme), l'absence de bande son et (il me semble) de lumière artificielles. La Vie d'Adèle, prenant en cela une position partisane, fait aussi un lien cohérent entre la philosophie existentialiste (de Sartre, qui est cité) prônant la libre détermination de l'individu et le passage à l'homosexualité. Adèle n'est pas faite pour aimer les hommes car elle n'y prend pas plaisir, donc elle choisit d'aimer les femmes.


Ne saurait toutefois être ommis la qualité du jeu d'acteurs. Adèle interprète son rôle sans avoir besoin de le jouer. Tout en simplicité, spontanéité et authenticité. Rien ne sonne faux, mis à part peut être sa crédibilité lorsqu'elle est institutrice. Léa Seydoux elle, moins présente, peu paraître un peu plus neutre. Son rôle lui fait jouer une partition moins large d'émotions et de situations. Elle s'en tient à son rôle: d'une séductrice subtile et habile au début, elle devient progressivement une compagne assez prévisible. Ce qui n'empêchera pas une émouvante confrontation entre elles pleine de tension et d'un léger de suspens. Quant aux autres personnages, on semble les connaître si bien. Dommage cependant que les trois hommes qui tournent autour d'Adèle n'aient pas de caractère plus affirmé... Mais bon, ils ne sont que des passes temps dont la destiné à voulu qu'ils n'obscursissent pas la véritable histoire sentimentale qui marque la vie d'Adèle.

LeCondottiere
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le 28 janv. 2016

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