Secrets de quel Histoire ?

Il est difficile de réaliser un long métrage d'animation en France tiré d'un scénario original. Très souvent, il est plus question de prolonger un univers pré-établi, kit à ce que les réalisateurs créent eux même leurs œuvres originales, que de lancer un projet sur une base neuve (ces derniers mettant au moins 5 ans avant de pouvoir prétendre sortir). Le cas de Ma vie de château est très intéressant à ce sujet car d'abord issu d'un premier court métrage passé au festival d'Annecy 2019 où il a gagné le prix spécial du jury pour un spécial TV, puis adapté en série dont l'épisode Le Fantôme de Versailles a gagné le prix spécial du jury pour une série TV, pour au final accoucher du film que nous retrouvons aujourd'hui en salle. On pouvait légitimement être réticent à voir une adaptation au cinéma qui pouvait n'être qu'un exercice de montage sans intérêt, mais la sélection du film au Festival du film francophone d'Angoulême redonnait espoir en une œuvre enrichit par son passage au cinéma... chose que le film n'est absolument pas.

L’animation, très rudimentaire, n’a fait l’objet d’aucune véritable adaptation pour le grand écran. Certains personnages sont dessinés grossièrement, et les jeux de lumière comme les contrastes restent simples, rappelant le style des séries télévisées jeunesse. L’ambiance sonore est assez pauvre, mis à part le thème principal, répété à plusieurs reprises. On ne perçoit pas de grandes ambitions cinématographiques, si ce n’est celle de rendre la série diffusable au cinéma. Sur le papier, la démarche est louable (car rentrant dans une logique voulant éviter de dénaturer le matériel originel) et pourrait presque se suffire à elle-même, si elle était bien menée… ce qui n’est malheureusement pas le cas ici. Il est très facile de défendre le film pour ce qu’il est potentiellement dans son format sériel, de saluer un scénario plutôt original revenant sur les attentats du Bataclan à travers le parcours d’une pupille de la nation qui entre dans l’Histoire de France en menant une vie extraordinaire, hébergée par un homme qui se bat pour entretenir la mémoire du passé. On suit ainsi une petite fille amenée à rencontrer ceux qui font vivre la grande Histoire, dans une logique d’apprentissage où la « petite histoire » prolonge la grande. Pourtant, on parle ici d’un film projeté en salle, qui devrait répondre aux exigences du cinéma. Force est de constater que le film n’a d’autre ambition que de remplir les salles, peu importe les moyens, et que la qualité de l’adaptation semble être la dernière des préoccupations.

Le film tente de faire oublier le caractère épisodique de la série, tout en conservant une structure fondée sur des saynètes du quotidien censées faire évoluer les personnages petit à petit. Le problème, c’est que ces évolutions paraissent souvent expéditives : des personnages changent d’opinion en cinq minutes, certaines problématiques sont à peine effleurées (comme le rapport de l’oncle à la danse ou l’entraînement exigeant imposé par son père) et aucun véritable fil rouge ne se dégage. Tout cela conduit à un visionnage laborieux : les situations sont mal exposées, souvent présentées avec maladresse, et s’enchaînent sans que l’on comprenne ce qu’il faut en retenir. Le film se conclut ainsi sur une « fin » par défaut, plus que par nécessité, sans parvenir à donner un véritable sens à l’ensemble. On a ainsi ce sentiment de remplissage, de collage parfois mal dissimulé, face à une série tronquée, vidée de certains éléments, et rythmée par des répétitions sorties de leur contexte sériel. On a très vite l’impression de ne pas être la cible d’un film qui, de par sa nature et sa démarche, semble n’avoir été réalisé pour aucun public, et qui n’arrive même pas à donner envie de découvrir l’œuvre originale ce qui constitue, à mes yeux, son plus grand échec.

8,25/20

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