Quand Billy Wilder s'attaque au personnage créé par Sir Arthur Conan Doyle à travers La vie privée de Sherlock Holmes, ça donne un beau récit, teinté de romantisme, un peu d'enquête ou encore d'humour, tout en subtilité et intelligence.
Comme toujours avec Billy Wilder, il est difficile de ne pas être frappé par la finesse d'écriture, tant les dialogues, fluides et qui font mouches sans jamais en faire trop, que les personnages, qui, en très peu de temps, ont déjà une certaine profondeur.
Ici, et je n'y connais pas grand chose en Sherlock Holmes (je n'en ai peu vu et peu lu), il prend assez vite le parti de démystifié le personnage, non pas gratuitement mais pour lui donner une profondeur et certains un côté plus humain. Il reste un détective intelligent, mais avec des nuances, il ne trouve pas forcément tout d'un claquement de doigts, n'a pas une éthique de vie parfaite et garde un mystère sur ses envies et pulsions.
Et c'est là, la première force du film, en très peu de temps, Wilder donne une profondeur à ce personnage, il est humain et ses récits ont souvent été enjolivés par son fidèle acolyte Watson. Et le cinéaste joue de tout cela, rien n'est gratuit, tout sert et ressert, les personnages s'en amusent et s'en servent pour sortir de certaines situations (toute la séquence avec le ballet russe est un régal).
Il ne joue pas sur le suspense, bien au contraire, il prend souvent soin de nous annoncer des retournements de situations bien à l'avance, et sans s'attarder non plus, l'important n'est jamais vraiment là, ou du moins ce n'est pas primordial. Ce qui compte (au risque de me répéter) ce sont les personnages, les liens entre eux et la construction d'un mythe. Tant au début qu'avec l'apparition du protagoniste féminin, tout est fluide et bien ficelé, chaque moment permet à Wilder d'instaurer des excellentes idées ou de jouer sur les détails, tout en se jouant de l'archétype du roman de détective.
Billy Wilder s'attache aussi à faire ressortir de sa mise en scène une atmosphère teintée de mystère et de mélancolie, c'est prenant, de plus en plus, et c'est beau tout le long, et parfois il suffit juste d'un geste ou d'un regard, et on comprend les doutes, la tristesse, la joie ou simplement le fait de voir sa vie s'éloigner. Wilder capte cette essence, et n'a pas besoin de 10000 mots pour ça.
La reconstitution est formidable, tant les extérieurs, surtout la partie en Écosse ou simplement la reconstitution de la rue londonienne, que les intérieurs. Ces derniers participent à la mélancolie, surtout lorsqu'on se trouve chez Holmes. A la base Peter O'Toole et Peter Seller devaient incarner les deux protagonistes, mais Wilder opta pour des comédiens moins célèbres et le résultat est parfait, Robert Stephens et Colin Blakely sont remarquables.
La vie privée de Sherlock Holmes est un film brillant à tout point de vue où Billy Wilder propose sa vision du célèbre détective, une vision humaine, loin de la caricature du détective trouvant tout avant tout le monde et à chaque instant, et il le fait avec profondeur et mélancolique, tout en sublimant une passionnante galerie de personnages.
Quand la légende est plus belle que la réalité : imprimez la légende -- John Ford.