LaRoy
6.7
LaRoy

Film de Shane Atkinson (2023)

Il y a des films (rares) pour lesquels l’affiche est un vecteur marketing suffisamment fort pour nous pousser à aller voir au cinéma de quoi il retourne. En règle générale, l’affiche seule, trop souvent assez fade, terme ou inconsistante, ne suffit pas : c’est l’accumulation de visuels, de bandes annonces, d’avis critique, qui nous poussent à nous rendre en salle.

Ici en revanche, la simple accroche « Where the F… is LaRoy » (dans un style néon très frères-coenien), au-dessus de l’image d’un type qui creuse à la lumière de ses phares, a été suffisamment puissante pour me convaincre de faire le pas et de me rendre au cinéma.

LaRoy, Texas (petit clin d’œil évidement au Paris, Texas de Wim Wenders) est le premier film du scénariste Shane Atkinson, qu’il décrit lui-même comme « une comédie qui s’ignore ». Si des pointes d’humour parsèment le film, il s’agit d’un humour empreint de noirceur : le film est avant tout construit comme une tragédie, avec son lot de ressors et rebondissements propres aux thrillers et aux policiers.

LaRoy a connu un petit succès à la rentrée 2023, en raflant trois des prix les plus prestigieux du festival américain de Deauville : le Grand Prix, le Prix du Public et le Prix de la Critique. De quoi laisser présager du très bon pour ce film indépendant US sous influence évidente du cinéma des frères Coen. Dans LaRoy, il y a du Fargo (un vendeur de voiture qui tente de faire chanter les protagonistes), il y a du No Country for old men (avec un tueur implacable qui fait sa besogne sans sourciller), il y a les grands paysages désertiques texans.

Le film raconte l’histoire de Ray, qui découvre par l’intermédiaire d’un détective privé assez loser que sa femme le trompe avec son frère. Déprimé par une vie sans piment, il décide de mettre fin à ses jours sur le parking du motel où les deux zigotos le trompent. C’est à ce moment que fait irruption un inconnu, tout aussi désespéré, qui croit avoir affaire à un tueur à gage et lui remet une enveloppe pleine de billets…

Le scénario est à l’image de ce premier acte : une suite de quiproquos et de malentendus parfois assez croustillants. Très vite, on comprend toutefois le petit manège de notre scénariste-réalisateur : les défauts apparaissent et l’on sent l’écriture derrière les séquences filmées.

Après une séquence d’ouverture mémorable et plutôt jouissive où l’on découvre le personnage du tueur à gage, ce dernier est par exemple totalement oublié durant toute la première moitié du film.

L’acteur principal qui joue Ray, John Magaro (que l’on a dernièrement vu à l’affiche dans Past Lives de Celine Song, ou encore dans First Cow de Kelly Reichardt), est absolument parfait en mollusque qui se fait rouler dessus par la vie. Il nous donne vraiment envie de le secouer comme un prunier pour le réveiller et qu’il se ressaisisse !

Je suis en revanche moins fan du surjeu des acteurs secondaires. Je sais que c’est voulu, mais Steve Zahn qui joue Skip, le détective privé, en fait des caisses ; Megan Stevenson qui joue Stacy-Lynn, la femme de Ray, est une vraie tête à baffes – une pouffe qui veut ouvrir un salon de beauté et qui ne s’est jamais remise d’avoir gagné un obscur concours de talents en étant gamine – qu’il m’est impossible de prendre en empathie ; sans parler de Matthew Del Negro, qui joue Junior, le frère de Ray, le self made man américain typique imbu de lui-même. Mon personnage préféré est finalement celui de Harry, le tueur, incarné par Dylan Baker, délicieusement poker-face.

LaRoy, par l’atmosphère qu’il parvient à créer autour de cette histoire alambiquée de magouilles et de magot, est un premier coup d’essai très encourageant dans le monde de la réalisation. Sans aller jusqu’à qualifier Shane Atkinson de disciple des frères Coen, le cinéaste a sans conteste une pâte qui lui est propre, et qu’on a hâte de retrouver dans la suite de sa carrière !

D-Styx
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2024 : année cinématographique bluffante

Créée

le 22 avr. 2024

Critique lue 363 fois

7 j'aime

5 commentaires

D. Styx

Écrit par

Critique lue 363 fois

7
5

D'autres avis sur LaRoy

LaRoy
Plume231
6

No Country for Losers!

Pour son premier long-métrage, Shane Atkinson choisit, comme principale source d'influence bien évidente, le cinéma des frères Coen et, en particulier, Fargo. Même choix du nom d'une ville comme...

le 20 avr. 2024

14 j'aime

3

LaRoy
Electron
7

Sa reine de beauté

Si le film montre une belle galerie de personnages, le titre est judicieux puisqu’en montrant ses habitants s’agiter, le réalisateur Shane Atkinson réalise un portrait saisissant de LaRoy, patelin...

le 21 avr. 2024

10 j'aime

26

LaRoy
Aude_L
9

Royal !

Deux gars qui ne se connaissent pas, dans une voiture, au milieu de nulle part dans la nuit noire, qui se toisent du regard pour savoir lequel des deux descendra l'autre avant que le moteur...

le 18 sept. 2023

10 j'aime

Du même critique

Annette
D-Styx
10

Adam Driver and the Cursed Child !

Vraiment, ça faisait bien longtemps qu'on n'avait pas vu autant de cinéma dans un film ! Une proposition si singulière, un long métrage de cet ampleur ! Quel plaisir de découvrir en Ouverture de...

le 2 juin 2022

43 j'aime

12

Bob Marley: One Love
D-Styx
8

One Love, One Heart, One Destiny !

Les biopics musicaux ont bien souvent un point commun : celui d’être décriés à leur sortie, car jamais assez proche de la réalité, de la vie de l’artiste, de l’image que l’on s’en fait. Mais en...

le 12 févr. 2024

37 j'aime

6

Road House
D-Styx
7

Jake l'éventreur

Je suis surpris de lire autant d’avis aussi négatifs sur Road House. Certes, clamer au chef d’œuvre serait légèrement disproportionné, mais j’avoue que je n’ai pas passé un moment déplaisant en...

le 25 mars 2024

34 j'aime

6