Las Vegas Parano, ou l'un des films qui manquaient le plus à ma culture.


Il est de ces oeuvres où l'on est quasi-certains avant de les lancer qu'on les aimera. Un trip halluciné mené par Johnny Depp sous la direction de Gilliam ? On touche à deux madeleines de Proust ; et comme Trainspotting et Requiem for a dream ont fait partie de mes premières claques cinématographiques, la thématique ne pouvait que me plaire également.


Et sans surprise, c'est très bon. La première scène pose le film comme rarement : en quelques minutes, on comprend le bordel qu'on s'apprête à voir. On va sourire jaune, rigoler face à ces monstres totalement hors du réel. La voix off de Depp permet de mieux s'immiscer dans le cerveau malade du personnage ; quand à celui de Del Toro on ne pourra qu'imaginer. Ne sachant pas ce qu'il se passe dans son cerveau, le personnage en sera tout de suite moins humain, beaucoup plus animal que Depp. Le jeune auto-stoppeur campé par Maguire est parfaitement burlesque et a la tête de l'emploi. Les perceptions déformées qu'en ont nos deux protagonistes posent les bases : à travers leurs yeux, tout le reste est ridicule, n'a pas d'importance. Ses longs cheveux blonds, sa transpiration, son regard niais : il est à la fois amusant et met terriblement mal à l'aise, comme l'état de nos personnages tout au long du film.


Gilliam montre comme toujours un talent de réalisation extraordinaire : le burlesque et l'humour noir transparait toujours chez l'ex-Monty Python ; moins subtil que dans Bandits Bandits mais tout aussi grinçant. En terme de critique sociétale, on n'arrivera sans doute plus jamais au niveau de Brazil, mais ça se pose tout de même là.


Quand au personnage de Johnny Depp, il est parfait et fait partie des rôles de l'apogée artistique de la carrière. Tous ces rôles de marginal, de rebut de la société qui ont fait son nom : Edward, Ed Wood, William Blake... Hélas, Depp tombera dès la décennie suivante dans l'autocaricature : son rôle dans Blow renvoie déjà directement à celui-ci, puis Depp incarnera ensuite bon nombre de personnages excentriques. Certains sont très bons (j'ai un faible pour Jack Sparrow et pour Willy Wonka) mais l'on peut déplorer que si dans les années 90, Depp incarnait des personnages complexes qui s'avéraient être excentriques, seule ce second côté a été conservé dans ses rôles des années 2000 et 2010, sauf rares exceptions. L'apogée de ce phénomène étant évidemment son rôle de Chapelier fou dans Alice au Pays des Merveilles. A l'instar de Tim Burton dont il accompagne la carrière, Johnny Depp tombe hélas dans l'autocaricature. Ni l'un ni l'autre ne sont devenus mauvais : ils perdent seulement en saveur.


Savourons donc Depp dans l'un des derniers rôles de sa grande époque.

Heobar

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