Young Adult a représenté pour Jason Reitman un tournant plutôt désagréable : de satiriste tendre et gentillet auteur de trois premiers films charmants, il devenait soudain, adoubé par le public américain, un portraitiste acerbe refaisant au vitriol les superficialités hypocrites de la middle-class banlieusarde, avec tout ce que cela contenait d'opportunisme et de cruauté gratuite et au fond assez bien-pensante, dans la lignée d'un Mendes light et formaté. Au seuil de Labor Day, les indices de ce mendesisme brandi comme voie du succès clignotent : un générique bucolico-mélancolique, la caution adaptation romanesque avec reconstitution et la présence de la grande Winslet au casting en mère célib désoeuvrée renvoient tout droit aux Noces Rebelles, référence plutôt intimidante et fortement déconseillée à ceux qui n'en ont pas l'estomac. Mais qu'à cela ne tienne, Reitman fonce vers le drame sentimental ambigu et féroce avec l'apparition de Josh Brolin, fugitif massif et viril qui va plus ou moins séquestrer la femme et son fils.

Problème : il apparaît bien vite qu'au fond, Reitman est demeuré ce romantique fleur bleue et fort gentil, intéressé avant tout par ses love stories romanesques. La bifurcation opérée par Labor Day est ainsi radicale : en à peine un quart d'heure, le film abandonne toute aspérité et tout suspense pour devenir une romance niaise de supermarché affolante de miévrerie, sorte de Bonnie and Clyde (le film revendique fièrement la référence...) revisité où Bonnie danserait la rumba et Clyde préférerait rester pépère à la maison jouer au base-ball avec son fils de substitution neuneu, dont la voix-off bien insistante pollue constamment le film. On retrouve là l'impasse de ce Reitman nouveau et consacré, le cul coincé entre un cinéma de carte postale estivale (tout y est : des marcels de Brolin aux robes légères de Winslet, du happy-end forcé à la séquence sensualo-fruitée "tarte aux pêches Herta") et une prétention à un sérieux grave et empesé.

Car Reitman n'a pas abandonné sa cruauté de petit maître sûr de lui, il l'a simplement placée aux mauvais endroits : au lieu de bâtir de la tension à partir de son syndrome de Stockholm originel, il préfère construire un suspense artificiel autour du crime de Brolin (d'ailleurs, que tout le monde se rassure : il n'avait pas fait exprès, comme ça au moins pas d'ambiguité), et balancer de nulle part quelques images gratuites et vulgaires, comme celle de Winslet experte en fausses couches tenant dans ses bras son nourrisson mort, symbole obscène à la fois psychologisant et bêtement provocateur. Un résumé du fond de commerce nouveau de Reitman : une carte postale aux contours sages et figés qui essaie fourbement de vous mordre en-dessous de la ceinture. Personne ne veut de ça sur son frigo au moment de sortir la pâte à tarte.
jackstrummer
4
Écrit par

Créée

le 3 mai 2014

Critique lue 840 fois

9 j'aime

5 commentaires

jackstrummer

Écrit par

Critique lue 840 fois

9
5

D'autres avis sur Last Days of Summer

Last Days of Summer
Jambalaya
9

La Parenthèse Inattendue

On comparera un peu vite Last Days Of Summer à Sur La Route De Madison, laissant entendre qu’il pourrait n’être qu’un plagiat d’un ainé érigé en chef-d’œuvre, ce qu’il est effectivement. Je veux...

le 23 avr. 2014

53 j'aime

19

Last Days of Summer
Rawi
7

Critique de Last Days of Summer par Rawi

Adèle est une femme abîmée par la vie. Elle a été abandonnée par son homme, le père de son fils et a perdu toute confiance en l'autre. Elle est en dépression par manque d'amour. Elle vit donc seule...

Par

le 15 avr. 2014

32 j'aime

10

Last Days of Summer
oso
3

Jean-Pierre Coffe porte le bouc

Quelle perte de temps. Entre ses clichés, tellement pompeux qu’ils finissent par amuser, sur l'homme parfait du 21e siècle (qui finit même par se raser) et la pureté d’un amour qui démarre par un...

Par

le 24 oct. 2014

30 j'aime

9

Du même critique

Last Days of Summer
jackstrummer
4

Tutti frutti summer love

Young Adult a représenté pour Jason Reitman un tournant plutôt désagréable : de satiriste tendre et gentillet auteur de trois premiers films charmants, il devenait soudain, adoubé par le public...

le 3 mai 2014

9 j'aime

5

Only Lovers Left Alive
jackstrummer
5

YOLO

Après celle en pédant aux moeurs distendues de Von Trier, la tendance de ce début d'année est à la mise en abyme des cinéastes confirmés dans des films de genre à clé, où l'ombre d'un égo envahissant...

le 22 févr. 2014

8 j'aime

2

La Voie de l'ennemi
jackstrummer
3

Indigeste

Ah, le tourisme cinématographique, quel fléau ! C'est au tour de Rachid Bouchareb de satisfaire sa faim de grands espaces et de cow-boys au grand coeur en transposant ses apatrides d'Indigènes à la...

le 13 mai 2014

5 j'aime

1