Bon, c'est la première fois que je poste une critique sur ce site, donc pardonnez-moi les éventuelles maladresses que celle-ci pourrait comprendre.
Je vais supposer que vous avez vu le film, et que par conséquent il n'est nul besoin de vous rappeler les évènements s'y produisant, ni de me soucier d'éventuels spoilers.


Commençons par dire ce que tous ont déjà dit : le giallo.
L'inspiration du giallo est en effet assez évidente dans le film, tant par l'utilisation du rouge et du bleu que par certains plans comme ceux sur un couteau à un moment du film.
Cependant, le film n'est clairement pas un giallo et il est évident tout de long que l'on ne se trouve pas devant un Dario Argento, mais uniquement devant un film s’en inspirant.


Deux autres sources d'inspirations (outre le Rape and Revenge) sont à noter et l'ont assez peu été, du moins j'en ai l'impression
.
Le film de zombie et le cinéma de Satoshi Kon.
Je ne m'attarderais pas trop sur le premier, car à part dire que les agresseurs sexuels sont représentés tels des zombies (ce qui est une comparaison juste, et donc justifiée, mais certainement pas révolutionnaire), il n'y a pas grand chose d'intéressant à en dire, à part peut-être à propos du retour à l'humanité de ces zombies vers la fin du film.


Le second point, en revanche, est nettement plus intéressant, notamment au sujet du double dans l'œuvre de Satoshi Kon.
Dans Paprika, le personnage d'Atsuka a un alter égo dans le monde des rêves : Paprika. Cet alter égo est présenté comme étant le personnage qu'Atsuka voudrait être (tout comme Sandy représente ce qu'Eloise voudrait être symboliquement parlant, du moins au début).
De plus, dans Paprika, les rêves vont venir empiéter sur la réalité, ayant un impact concret sur la réalité.
Le parallèle avec Last Night in Soho est assez évident, le passé empiétant sur le présent et l'impactant, phénomène visible dès le début avec l'histoire du suçon. Il est également intéressant de noter qu'Eloise va commencer à voir le passé en premier lieu durant son sommeil, dans ses rêves (la notion de rêve ne vous dit rien ou vous avez suivis ce que j'ai dit sur Paprika ?).
Une autre similitude avec le cinéma de Satoshi Kon est l'utilisation des reflets, les utilisant pour montrer un personnage, et son double apparaissant en reflet (ce qui était déjà le cas dans Perfect Blue dans une scène de train, où le reflet du personnage dans la vitre se transforme en son double).
Les doubles se substituent l’un à l’autre également dans des raccords mouvements (je pense à la scène de danse), ce qui ne manque pas de rappeler l’utilisation de ce procédé par Satoshi Kon, notament dans Millennium Actress


Bon, je pense avoir plus ou moins fait le tour des inspirations (on parlera du Rape and Revenge plus tard) et passons donc à la suite.


La réalisation est très intéressante et parvient à être déstabilisante, ce qui est un bon point, mais je ne vais pas plus m'attarder sur cet aspect, sur lequel je me suis déjà attardée de façon non négligeable. Je dirais donc juste que le film est extrêmement esthétique et dispose d’un montage assez intéressant.


Parlons donc du scénario pour ensuite aborder les personnages.
Le scénario est plutôt classique, et très centré sur quelques personnage, il n'y a donc pas grand chose à dire sans évoquer ces derniers, si ce n'est que le film ne tient pas vraiment de propos, n'a donc pas réellement de fond, ce qui n'est pas grave en soit, mais qui est néanmoins à noter.


Bon, maintenant, parlons des personnages.


Sandy :
Sandy est un des personnages les mieux écrits, elle va d'abord susciter de la pitié et toute notre sympathie. Puis, alors qu'on la croyais victime de meurtre, on découvre que c'est elle qui a tué, et pas qu'une personne, mais la totalité de ses agresseurs sexuels (le lien avec le Rape and Revenge me semble donc assez évident). Cependant, ce rape and revenge n'est pas montré comme une prise de pouvoir de la femme sur les agresseurs sexuels (ce qui serait assez caricatural ainsi que moralement discutable, car cela défendrait l'idée de la vengeance et de la peine de mort), mais il est plutôt montré comme une série de meurtres horribles, commis par une personne poussée à bout (si le premier meurtre était de la légitime défense, les autres ne sont que pure vengeance).
Mais malgré ces meurtres, le personnage continue d'attirer notre sympathie : il n'est pas "naturellement" mauvais, c'est autrui qui l'a rendu ainsi par la souffrance. Cela a le mérite d'expliquer, sans pour autant justifier.
La prestation d'Anya Taylor-Joy est d'ailleurs excellente, elle parvient parfaitement à incarner le rôle.


Eloise :
Ce personnage est aussi assez intéressant mais beaucoup de choses ne sont pas assez développées.
J'ai notamment eu l'impression que le personnage allait se fondre avec celui de Sandy et ne plus faire de distinction entre elle et Sandy, le film semble en effet se diriger vers cela lorsque Eloise se met à redire des phrases prononcés par Sandy, puis par se teindre les cheveux pour davantage lui ressembler. Mais finalement, cet axe de développement de personnage n'aboutit jamais, et ces évènements ne sont là que pour illustrer l'empathie qu'elle éprouve pour Sandy.
Ensuite, pour ce qui est de ses visions du passé, j'avoue avoir longtemps eu peur que le film cherche à mettre une explication psychiatrique qui ne correspondrait donc pas à ce qui est montré, comme le fait Split de Shyamalan, ou comme les spectateurs le font pour Fight Club de Fincher. Heureusement, le film évite cet écueil, et lorsque le policier mentionne la schizophrénie, il ne fait aucun doute dans l'esprit du spectateur que non, il ne s'agit pas de schizophrénie.
Parlons ensuite des visions de sa mère. Il n'y a pas d'explication, elle n'est là que comme un symbole rassurant et de soutien, et pour expliquer pourquoi elle voit des visions du passé alors que ce n'était à priori pas le cas pour les anciennes locataires de la chambre.
Je trouve également dommage de ne pas montrer les séquelles psychologiques d’Elise, qui doit pourtant être traumatisée de tous ces évènements et morts, ainsi que de ne lui faire montrer aucun regret pour les morts qu’elle a indirectement (et involontairement) commis.
Pour sa relation amoureuse, j'en parlerais un peu plus tard.
Thomasin McKenzie livre une performance éblouissante dans la peau de ce personnage.


Jack :
Je ne sais pas trop quoi penser de ce personnage, il est assez stéréotypé, et semble factice (malgré la très bonne performance de Matt Smith). Je vous laisserais donc jugez vous même du personnage et de ses motivations.


John :
Ce personnage est assurément le personnage le plus étrange. Il semble n'être là que pour servir le scénario et Eloise et semble n'avoir aucune personnalité propre.
De plus, sa relation amoureuse avec cette dernière est.... étrange. Il se connaissent à peine, se sont assez peu parlé, n'ont rien partagé ensemble (du moins au moment où ils tombent amoureux), et pourtant ils tombent amoureux. De même, cet amour paraît très factice, on ne ressent aucune passion, les personnages semblent loins l'un de l'autre, sans alchimie entre eux.
Bref, ce personnage est selon moi assez mal écrit, et il en va de même de sa relation avec Eloise.


Jocasta :
Personnage stéréotypé par excellence, elle n'est rien d'autre que l'archétype de la pétasse obnubilé par les apparences et notamment la sienne, qui persécute les potentielles rivales.
Je ne vais pas m'étendre plus sur le personnage, si ce n'est qu'il peut avoir l'intérêt de faire rire de par son ridicule factice.


Conclusion
Le film à une forme très intéressante, et développe une notion de double (à la fois de personnages et de temporalité) passionnante. Cependant, la plupart des personnages secondaires sont assez délaissés par les scénaristes, et de nombreuses thématiques demeurent malheureusement inabouties.
Malgré ses défauts bien présents, le film dispose donc de nombreuses qualités et je l'ai beaucoup aimé.

Créée

le 12 nov. 2021

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Elenna32

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