le 4 déc. 2025
La montagne magique
Il y aurait bien quelque chose de Guiraudie dans cet étonnant Laurent dans le vent (dont l'acteur principal rappellerait Félix Kysyl de Miséricorde). L'ambiance lente, sèche, pince-sans-rire, de ce...
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Entre introspection, humour et tendresse, Laurent dans le vent explore la fragilité d’un jeune homme en quête de sens, naviguant d’une rencontre à l’autre sans direction précise. Le trio de cinéastes – composé d’Anton Balekdjian, de Léo Couture et de Mattéo Eustachon – poursuit ici son exploration de personnages à la dérive, à travers une mise en scène minimaliste qui privilégie les silences aux éclats.
Dans la continuité de leur précédent long-métrage, Mourir à Ibiza (un film en trois étés), un teen movie, les réalisateurs interrogent à nouveau l’errance, la solitude et la nature éphémère des liens humains. Mais cette fois, le cadre change radicalement : le vide des stations balnéaires laisse place à l’immensité verticale et silencieuse des Hautes-Alpes. C’est dans ce paysage rural, isolé et hors saison, que Laurent espère trouver un point d’ancrage. Il arrive dans une station de ski désertée, dont le calme glacial entre en résonance avec son propre état d’âme.
Laurent semble se fondre dans ce décor fantomatique. Sa démarche lente, ses bras ballants, son regard absent le réduisent presque à une présence spectrale. Il croise alors les quelques habitants restés coincés dans la vallée, eux aussi happés par une forme de stagnation. Tous partagent une quête existentielle confuse : désir de changement, incapacité à avancer, espoir d’un renouveau. Le film suggère que c’est justement dans cette communauté de solitudes que Laurent pourrait se reconstruire.
Commence alors un parcours de plusieurs mois. Laurent, âgé de 29 ans, erre sans but clair, poursuivant des aspirations floues : stabilité, apaisement, relations sincères. Plus qu’un travail ou un logement, il cherche une forme d’équilibre intérieur, tout en remettant en question son propre engagement – affectif, social, personnel. L’image inaugurale du film, où l’on ne voit que ses pieds flottant dans le vide d’un télésiège, symbolise parfaitement son état : suspendu, sans contrôle sur sa trajectoire.
Malgré son inertie apparente, Laurent parvient à nouer des liens avec une vieille femme en fin de vie, un photographe amateur et une mère célibataire nostalgique. Chacun représente une génération différente, mais tous semblent partager une même mélancolie, une même envie d’échapper à leur condition actuelle. Parmi eux, un homme fasciné par les Vikings rêve de fonder une colonie dans un pays lointain – un projet absurde en surface, mais révélateur d’un mal-être profond. Ces portraits, souvent touchants, forment un chœur discret d’individus à la dérive.
Le fil rouge du récit reste les appels téléphoniques de la sœur de Laurent, discrets mais récurrents, qui renforcent l’idée que sa reconstruction dépendra de sa capacité à se reconnecter aux autres. C’est dans ces rencontres – parfois absurdes, souvent poignantes – qu’il parvient peu à peu à sortir de sa torpeur. Le film se clôt sur une note douce-amère, à la croisée d’un adieu à la mort et d’un salut à la vie. Laurent semble enfin prêt à sortir de la piste, au sens propre comme au figuré, pour envisager un nouveau départ.
Sans être dépourvu d’humour, notamment grâce à quelques dialogues décalés, Laurent dans le vent conserve un ton globalement grave et mélancolique. Il tire son étrangeté d’un mélange singulier entre narration quasi-contemplative et esthétique réaliste, empruntant au conte sa structure initiatique tout en gardant les pieds sur terre. La musique, discrète, accompagne avec justesse les émotions sans jamais les surligner. Ce choix contribue à renforcer l’impression d’un personnage principal aussi insaisissable que les lieux qu’il traverse.
Quelques longueurs se font néanmoins sentir dans la deuxième partie du film, notamment dans la répétition de certaines situations. Heureusement, la prestation sobre et habitée de Baptiste Perusat donne du corps à ce rôle d’apparence flottante. Son interprétation gagne en densité au fil du récit. À ses côtés, Béatrice Dalle (37°2 le matin, La Sorcière, Lux Æterna, La Bête dans la jungle) apporte une intensité bienvenue, compensant les creux narratifs par une présence magnétique. Finalement, la station de ski ne se contente pas d’être un décor : elle incarne le labyrinthe mental dans lequel Laurent évolue, tout en offrant la possibilité d’en sortir.
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Créée
le 21 mai 2025
Critique lue 348 fois
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