Toucher la tête d’un nègre parce que ça porte bonheur, toucher le dos d’un nain pour les mêmes raisons et en faire sourire la galerie, botter le cul d’une blonde, nourrir une amitié masculine aux échos homosexuels, aborder à demi-mot l’avortement : autant de comportements rendus possible par l’époque pré-code, et que, quelques années plus tard, il aurait fallu couper au montage.

Dans ce faux film de gangster, plutôt une comédie-gangster, Nick Venizelos (Edward G. Robinson) a beau être hors-la loi en roi du jeu, d’abord assez innocemment puis avec de clairs desseins d’enrichissement, pariant de grosses sommes dans des parties de poker jouées secrètement dans des chambres d’hôtel ou des wagons de train, trichant même au jeu (certes pour se venger du même affront), ouvrant par la suite son propre casino totalement illégal que le procureur du district veut absolument fermer, y guettant sa venue (ou celle d’autres gêneurs ou tout simplement les tricheurs) avec deux mitraillettes, malgré tout cela Nick Venizelos demeure sympa, juste, irréprochable, proche du peuple et suscite du début à la fin l’empathie du spectateur - sauf lorsqu’il s’éprend de la mauvaise blonde : ça, on ne le lui pardonnera pas: une telle erreur ne peut le conduire qu'au même sort que son canari Blondie.

Dans un scénario ayant valu une nomination à l’Oscar de la meilleure histoire originale (Oscar dont le nom fait doucement rêver), assez simple et compréhensible, bien calibrée, au rythme sûr, avec un Edward G. Robinson aux dialogues enlevés et drôles, roi de son monde de mecs, de son modeste salon de barbier de village au casino luxueux de la grande ville, aux poches toujours bien garnies, que ce soit de cigares « de la Havane » ou de billets, ayant toujours la queue qui tortille à la vue d’une blonde au bras de laquelle il se retrouve souvent, il en fait baver tout un peuple miséreux en pleine Grande Dépression. James Cagney, bientôt adulé grâce au mémorable The Public Enemy, encore dans l’ombre de Robinson, ce dernier fraîchement auréolé de son succès dans Little Cesar, amicalement appelé par son boss « Maman », lui donne la réplique et forme avec lui un sympa duo de copains joviaux et loyaux.


Marlon_B
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le 31 janv. 2024

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