Primitif

Il faut regarder Le petit César comme un prototype du film de gangster de chez la Warner, et donc avec indulgence. En effet, à peine sorti de l’ère du muet, le cinéma parlant avance encore à tâtons et la Warner cherche son style. Néanmoins, en comparant avec L’ennemi Public sorti à peine quelques mois après, produit lui aussi chez Warner, le fossé est considérable.

Qu’y a-t-il qui les distinguent ? Tout, ou presque, mis à part le genre du film. Tout d’abord la mise en scène de LeRoy est d’une platitude affligeante, si bien qu’aucune scène ne restera vraiment dans les annales du cinéma. Ensuite, la photographie ne met jamais à profit les travaux antérieurs sur le clair-obscur ou les ombres expressionnistes et le cadrage est parfois d’une simplicité affolante. Sans parler du travail sur le son, on ne peut plus basique. Puis, le scénario est taillé à gros coups de burin, et les personnages esquissés à gros coups de pinceaux, dans le but de créer du rythme et de simplifier au maximum l’histoire. Edward G. Robinson, qui n’est pas encore celui qu’il deviendra, campe assez grossièrement un personnage de gangster très grossièrement construit. Et que dire de cette homosexualité latente, des personnages trop serviles ou trop distants des femmes, pendant que le danseur-gangster (paradoxalement, le seul épris d’une femme) hésite à suivre ou à quitter le gang, à lui tourner le dos ou à le trahir ?

En somme, face à la toile de maître, on trouve cette fresque préhistorique, venue des temps primitifs.