oct 2010:

Alors, c'est donc ça le premier film de la Nouvelle vague? Parait. Pourtant, je lui trouve tellement d'accents "anciens". Étrange. J'ai vu récemment "Les cousins" qui, pour le coup, me parait beaucoup plus à même de justifier cette idée que je me faisais du mouvement, un cinéma plus naturaliste, plus mordant et corrosif, plus urbain également. C'est d'ailleurs cette idée sans doute fausse qui m'a mis dedans.

Ce qui m'arrête un peu est à trouver dans une histoire pas vraiment captivante et surtout ces relations entre les personnages qui sont restées beaucoup trop floues et m'ont laissé trop confus. C'est toujours désagréable de se sentir imbécile devant un film.

Pourquoi? Éternelle question. Pourquoi Jean-Claude Brialy s'attache-t-il autant à Gérard Blain, un personnage qu'il a connu et avec qui il a noué une relation d'amitié très forte il y a si longtemps, un type qui est devenu une loque humaine, alcoolique, agressif?
Beaucoup d'être humains connaissent parfois des accidents de vie et ne réussissent jamais à sortir de ces ornières, d'une souffrance particulière. Gérard Blain ne se remet pas de la mort de son premier enfant. Et la douleur le rend méchant. L'amertume en fait un connard pénible, un personnage détestable.

Alors bien entendu, cet acharnement de Brialy, malgré les humiliations que Blain lui fait subir, constitue un gros mystère que leur passé commun pourrait expliquer : une amitié proche de l'amour, un semblant d'homosexualité latente que le film ne fait qu'effleurer?
L'amour inconditionnel que Michèle Méritz voue également à Blain alors que celui-ci passe son temps à la conchier est difficile à entendre.
De même que la relation qui se noue entre Bernadette Lafont avec Edmond Beauchamp.
Bref, Chabrol dépeint un monde triste, perdu où les rapports entre les gens ne sont que violence, où la peur de l'autre semble bâtir des murs d'incompréhension.

Au final, j'avoue m'être un peu noyé moi même dans ce qui ressemble à une espèce de fange où alcoolisme, auto-destruction, violence et inceste forment une sorte de farandole macabre dont le curé parait être le témoin désabusé. Une ruralité dégénérée qui fait l'exacte calque de l'univers urbain tout aussi nocif que dépeint le film "Les cousins".

Mais comme je le disais plus haut, ce "beau Serge" me parait moins intéressant. Sans doute parce qu'il décrit une situation un peu trop irréelle, un pathos ultra stéréotypé et par conséquent déconnecté de la réalité. Une histoire un peu trop outrancière dans son propos.

Les acteurs ne sont pas mauvais heureusement et auraient pu accentuer en sur-jouant cet aspect grossièrement morbide. Brialy reste très sobre. C'est tout à son honneur : le rôle est casse-gueule.
Blain joue un ivrogne méchant, lui aussi avait de quoi se louper mais il demeure correct.
J'ai apprécié le petit jeu tout en malignité de la jeune Bernadette Lafont. Et je comprends bien l'enthousiasme général des spectateurs de l'époque pour une de ces égéries de la Nouvelle Vague car elle dégage par son regard et ses sourcils en dessous une sexualité ahurissante.

Donc, un film qui m'a plutôt laissé sur ma faim, un premier film de Chabrol dont la verve caustique se fera bien plus subtile par la suite, fort heureusement.
Alligator
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le 14 avr. 2013

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