Je ne spoilerai qu'à la fin de ma critique, dans ma compréhension de la nature du film.
Tiré d'un roman de Roald Dahl que je n'ai pas lu, c'est avec un regard de néophyte que je me suis penché sur ce Bon Gros Géant, œuvre naïve dans la forme et le fond, mais non dans une vision, pour autant, médiocre.
Le film, en effet, montre les aventures de Sophie, orpheline, enlevée par un géant minuscule (à peine 7m50) qui collecte les rêves et subit les brimades de ses frères géants, beaucoup plus grands (13 mètres) et surtout mangeurs d'hommes. Surnommé le Bon Gros Géant cet être vieux et décharnés touche le spectateur par sa gentillesse, sa candeur, sa poésie ainsi que par son absence de maître du vocabulaire humain, trop difficile pour lui.
On le sait poète et doté d'une réelle subtilité émotionnelle que les mots ne lui permettent pas de transmettre. Le personnage n'en est que plus attachant.
Le film, par son manque réelle d'une construction complexe, se centre sur la découverte du pays des géants, la compréhension des dangers, la recherche d'un plan, une phase de transition et la résolution finale. Le film se veut facile d'accès et propose ainsi une narration simpliste mais pourtant réussie en cela que le film n'ennuie jamais. Les deux heures s'écoulent avec une aisance admirable.
Visuellement c'est plutôt beau même si je pense que bien des zones géographiques auraient pu être mieux traités, le parti pris sur les géants est quasi-absent et j'aurai aimé un univers plus osé, graphiquement engagé et unique. Si c'est assez beau, on regrettera que ce ne le soit pas plus. De même, on notera que certaines scènes ont été réalisées spécialement pour la 3D, mais que cela reste encore trop minime pour justifier le passage à de la 3D exclusivement et que, dans le même temps, ne pas l'avoir fut, à mon sens, un petit manque.
On appréciera les composition de William qui sont un plaisir pour les oreilles.
L'humour est d'abord sur le vocabulaire tout le long du film jusqu'à la scène de transition jouant sur le légendaire flegme britannique. Très sympa comme moment.
Le film est divertissant, bien amené, plaisant, et construit de belle façon. Pour autant, nous sommes loin d'être face à une réussite totale. Non pas tant par ses défauts (peut-on lui en reprocher réellement?) que par sa conception même.
Le Bon Gros Géant est une adaptation fantastique. Fantastique dans le sens où le film se propose d'être soit réellement sur-naturelle et totalement délirant, soit une œuvre totalement terre à terre qui raconte un rêve. Les deux interprétations peuvent se superposer sans difficultés mais je vais proposer la seconde interprétation est montrer sur quoi elle s'appuie.
À la fin du film, avant le combat contre les géants, BGG dit que Sophie a fait un rêve d'aventure, il laisse clairement sous-entendre que le rêve de Sophie est ce qu'elle est entrain de vivre en ce moment même. Or, après la bataille contre les géants, Sophie se réveille dans un grand lit du palais de la Reine, où la femme qui aide la reine la réveille, avec une attitude très maternelle, le chien de la reine vient comme son propre chien et un des responsables du palais arrive avec une attitude toute paternelle.
Sophie serait en réalité une petite fille qui rêve d'aventure et a rêvé du Bon Gros Géant et de toutes ses aventures. Ainsi, on comprend pourquoi la Reine et l'Armée Britannique apparaissent tel un Deus ex Machina, on comprend également pourquoi le personnage de la femme en violet était si présent et proche de la mère. Sophie habite à la cours, son père et sa mère y travaillent et ainsi elle doit avoir une vision de la Reine comme d'une sorte de bonne fée. De même sa compréhension de l'armée est si belle car elle est une petite fille. L'aspect irréel est tout le long du film, mais seul la partie avec la Reine devient réellement illogique car Sophie rentre dans sa partie la plus étrange de son rêve, elle revoit sa propre vie c'est-à-dire son quotidien. On comprend également pourquoi Sophie est si à cheval sur le vocabulaire, les bonnes manières, etc. Elle même a dû subir bien des reproches dans un endroit si classieux, BGG devient alors son propre élève, à elle qui est une petite élève tout le temps.
BGG, quelque part, est peut être une version d'elle-même : plus petite, moins savante, mais plus poétique que les autres. Son rêve serait à la fois la réalisation d'un fantasme de rêve, d'un désir de voir sa famille qui la comble de bonheur (n'est-elle pas heureuse dans cette fin où on voit une famille aimante?) et en même temps une revendication de son propre génie et de ses qualités ?
Le Londres nocturne, fantasmagorique et cauchemardesque apparaît en décalage avec l'époque où le film est censé avoir lieu (fin des années 70). Si on part de l'idée que Sophie a rêvé le film et qu'elle est la fille de deux employés (haut placés) de la Reine, toute la scène à la Cour prend un nouveau sens.
Ainsi BGG est un film fantastique réussi pour sa part fantastique mais souffrant, à mon sens, d'un sous-texte. Je pense que quelque part il manque au film une réflexion poussée sur un sujet, car quel qu'il soit, on en ressort non grandi et non changé. C'est là la faiblesse du film, un manque réel de profondeur dans le fond, alors que la profondeur est dans la forme.
De quoi traite réellement le film ? Pas évident de répondre. Si c'est juste une histoire de géants ce n'est pas grandiose. Si c'est un rêve de Sophie, alors pourquoi nous montrer tout cela si ce n'est pour faire grandir le spectateur ? Mais sur quoi alors ? A quel propos ? Spielberg semble trop limité dans son adaptation pour nous donner une parfaite réponse.