Solange est contractuelle dans une ville de province ; elle est las. De son métier qui lui vaut plus d’insultes que de reconnaissance, d’arpenter les trottoirs sous la pluie, de son mari, gentil garçon insipide, obnubilé par la finition de leur petit pavillon de banlieue, de la nécessité de choisir une couleur de peinture pour les murs, la nature du revêtement des sols ou la place du lit dans la chambre. Solange étouffe ; elle n’en peut plus de cette vie étriquée, bien rangée et ne veut pas continuer à vivre comme ça. Elle rêve d’une autre vie, d’être chanteuse.


"Le Bleu des villes" est un film simple, mélancolique, teinté d’une délicate émotion oscillant entre drame et comédie, qui dépeint le mal-être de son héroïne avec beaucoup de sensibilité et que Brizé parsème d’éclats de légèreté et d’humour.


La qualité du film tient pour beaucoup à la formidable interprétation de Florence Vignon, tout en retenue et petites touches. On la voit physiquement menue et fragile, le regard fixe un peu perdu mais on la sent intérieurement déterminée, bouillonnante, résolue à changer de vie. Florence Vignon co scénariste de ce film a apparemment privilégié de poursuivre sa carrière dans ce domaine (avec de bonnes réalisations) plutôt que dans celui d’actrice, puisqu’elle n’a plus tourné pour le cinéma depuis. Au vu de sa performance dans ce film, je le regrette.


On trouve dans ce premier film de Stéphane Brizé des caractéristiques de son cinéma à venir, fait d’humanisme, d’attachement et de tendresse marquée pour ses personnages, d’approfondissement respectueux de ce qui en fait leur nature, sans jugement ni mépris. On y trouve aussi une autre dimension de son cinéma, sa sensibilité au monde du travail et à sa pénibilité psychologique, en donnant sans inconsidération à ses personnages des situations professionnelles ingrates et peu valorisées, qu’elle soit contractuelle, ou lui agent de morgue.


Bon moment, le film manque d’un petit quelque chose pour être un très, très bon film. Mais restera longtemps en mémoire, la scène où Florence Vignon/Solange lit une recette de gâteau meringué à la framboise en guise d’oraison funèbre dans le cœur de l’église à l'enterrement de sa grand- mère. Une vraie pépite cinématographique superbement interprétée.

kinophil
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le 29 avr. 2021

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