Le fils du boulanger avait une braguette magique...

On ne reprochera pas à Verneuil de faire ici ses gammes : il n'en est qu'au quatrième de ses 34 longs-métrages, et à l'aube d'une carrière qui allait être prolifique. Et déjà trois avec Fernandel, dont il avait sûrement détecté les qualités de comédien, et de sympathie de la part du public.
En tout cas cette co-production franco-italienne qui se déroule dans les deux pays, ne figurera pas dans les annales du cinéma sur le plan qualitatif, mais on sort d'une période bien trouble et la France est ruinée..
Il n'avait pas échappé à la production que Fernandel à l'affiche, ça marchait. Tout comme les drames au lendemain de la seconde guerre mondiale, mais comme adoucis par un humour salvateur et finissant bien : les français voulaient s'amuser, oublier les affres de cette période dramatique de leur histoire. Ce qui explique qu' à sa sortie en salles en 1953, ce film avait fait un tabac avec 3,7 millions d'entrées...
Il n'en est pas moins vrai que ce film est très moyen ! La faute aux deux scénaristes qui ont sérieusement manqué d'imagination pour pondre cette aventure, copiant même d'une manière éhontée "Marius", la femme du boulanger...On pense à la trilogie de Pagnol avec un bébé sans père officiel, et on retrouve un peu de l'ambiance de la "table aux crevés", le premier film de Verneuil.
Cette fois-ci, le village est coupé en deux à cause d'une histoire de fille-mère où il y a les partisans du boulanger, et ses détracteurs : ceux de l'épicière et sa fille. Les premiers seront donc privés de leur pain quotidien avant que le Préfet ne mette ne mette le holà...
Evidemment, le public ne pouvait que compatir et prendre fait et cause pour cette "fille-mère", engrossée par le fils du boulanger, et obligée de fuir la réprobation du village...
.On retrouve dans cette histoire quelques acteurs du premier film de Verneuil : Fernandel, bien sûr, et aussi un Sardou peu en évidence ici, Vilbert qui tourna sans cesse par la suite mais toujours second rôle..
Ca semblera surprenant aux jeunes de 2020 n'ayant pas vécu cela, mais les jeunes filles d'avant guerre et celles du baby-boom avaient les élans sexuels de leur jeunesse. Les mêmes que maintenant, avec l'ancien interdit peut-être même d'avantage...mais si elles tombaient enceintes sans être mariées, c'était pour elles le déshonneur, la réprobation générale pour atteinte aux bien-pensants. Mieux valait prendre le large ! Les mamans divorcées étaient elles aussi traitées en marge de la société, n'ayant pas su "tenir" leurs hommes comme il se disait alors.
Et l'enfant né d'une telle union était traité comme un "bâtard". Toutes choses qui ont disparu avec la pilule et l'évolution des moeurs qui en a découlée.
Ce film est donc un témoignage bien maladroit de cette époque, au point que tout est fait pour "meubler l'écran" et tenir 1h 45mn : que de scènes inutiles, que de personnages traités bien trop superficiellement, malgré leur potentiel. Heureusement, la prestation du facteur (bègue), de son receveur des postes de 5°classe, de l'abbé, sans parler du boulanger permettent de sauver une trame de récit bien légère et de le rendre crédible. Avez-vous remarqué que le bégaiement (que sacra Darry Cowl) est moins fréquent, voire rare de nos jours ?)
Les comédiens sauvent heureusement le film avec une distribution remarquable : Fernandel doit forcer son talent pour ne pas être débordé par celui de Georges Chamarat, sociétaire honoraire de la Comédie française par ailleurs...Et on en découvre de nouveaux comme la mignonne Pierrette Bruno qui joue la fille-mère indigne, à la frimousse innocente qui ne saurait laisser insensible, et dont ce fut le second de ses sept seuls longs métrages.Découverte par Bourvil, elle allait devenir sa très grande amie, mais sans "percer" ni au cinéma ni au théâtre... Elle aura probablement été la dernière survivante de ce film car elle est décédée le 25 janvier 2015 après une retraite dans sa maison de la Ciotat, à l'âge de 87 ans. Et vivant pas si loin de la commune de Mimet (rebaptisée Valorgue) partie française où se déroule le film...
Fuir la version colorisée et trop artificielle qui enlève beaucoup à son charme et sa poésie à ce film.


C8 le 05.03.2017- France 3 le 03.01.2020-

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le 4 janv. 2021

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