Le Bouton de nacre
7.3
Le Bouton de nacre

Documentaire de Patricio Guzmán (2015)

Raconter l’Histoire du Chili à travers l’eau est une manière très originale de faire, et si l’entreprise s’avérait risqué, l’on constate que Patricio Guzmán s’en est plutôt bien sorti. En fait, la Patagonie est une région du chili où l’eau est très présente (par la mer, les glaciers et les fleuves) et c’est l’Histoire de cette région du pays qui est développée. C’est donc grâce à des décors féériques et hypnotiques que le film capte en grande partie l’attention du spectateur. Certaines scènes rappellent The Tree of Life de Terrence Malick, avec ces images de la nature spectaculaires. Personnellement, certaines scènes m’ont laissées béats par leur beauté. Cependant, de belles images ne suffisent pas à faire un bon film. Filmer de magnifiques paysages est bien facile, la Nature en regorge.
Le film raconte donc l’arrivée des colons au Chili au XVIIIème siècle. Ceux-ci ont chassés la population autochtone, la torturant et la décimant. Près de trois siècles plus tard, sous le régime de Pinochet, le pays connaît exactement la même chose. Les opposants politiques sont torturés avant d’être lancés à la mer, accrochés à un rail pour les entraîner au fond de l’eau. C’est ainsi que l’on a retrouvé un bouton de nacre accroché à un rail, plus tard, ce qui donna le titre au film. Le film montre donc le manque d’évolution de l’humanité, qui près de 3 siècles plus tard est prêt à commettre de terribles exactions.
Le film est donc est vraiment intéressant grâce à l’histoire qu’il raconte étant donné que l’Histoire du Chili m’était totalement inconnue jusqu’à aujourd’hui, en tout cas dans les détails. Guzmán film de magnifiques paysages qu’il semble adorer et des personnages qui attirent notre compassion, par leurs coutumes, par leur histoire et par leur dialecte bizarre (ils n’utilisent presque que des consonnes, donnant l’impression d’entendre une langue très « organique »).

Patricio Guzmán est très accroché à l’Histoire de son pays, et surtout au règne de Pinochet qui l’a profondément marqué. Le Bouton de Nacre est donc une sorte de suite à Nostalgie de la Lumière, qui racontait lui aussi l’histoire du Chili à travers les étoiles. Je n’ai pas vu Nostalgie de la Lumière, mais je pense que le concept de raconter l’Histoire d’un pays par l’intermédiaire d’autres choses (les étoiles dans celui-ci) finit par s’essouffler. Avec Le Bouton de Nacre, j’ai été surpris de voir traiter l’Histoire du Chili de cette manière, mais je pense que voir un autre film utilisant le même concept n’aura plus rien de très original et de très surprenant.
Cependant, malgré l’originalité du projet, ce dernier n’en reste pas moins limité dans sa façon de raconter l’Histoire du Chili. Effectivement, le film souffre de quelques problèmes assez importants. Tout d’abord, il effectue des sauts dans le temps à quelques reprises, passant d’un élément de l’Histoire à un autre sans véritable transition et sans réel lien ce qui à le don de perdre le spectateur (en tout cas ce qui m’a personnellement désorienté). D’une certaine manière, on passe du coq à l’âne.
L’Histoire de la Patagonie reste au centre du film, seulement elle est souvent racontée de façon trop superficielle. Ainsi, des éléments ne sont absolument pas éclaircis et d’autres fois, Guzmán s’attarde bien trop sur des détails anecdotiques. Le rythme du film pose problème. Il est bien trop lent, atteignant l’heure et demi avec difficulté. On penserait presque qu’il aurait pu tenir dans un format plus court, de 50 minutes par exemple. Cela devient un documentaire télévisé amélioré, beau et poétique, mais qui n’apprend au final pas grand-chose, car comme nous l’avons dit précédemment, Guzmán n’approfondit pas son sujet ou alors il approfondit des détails par très importants. Quant aux témoignages, ceux-ci sont trop peu présents et les personnages ne sont pas approfondis. C’est le cas des deux descendants des autochtones chassés par les colons au XVIIIème siècle, qui parlent de leurs problèmes (le pêcheur qui n’a plus le droit d’aller pêcher à cause de la taille de son embarcation) mais dont Guzmán décide de ne pas parler. Cela donne l’impression qu’il lance des sujets, évoque des problèmes, auxquels il ne veut pas répondre.
Quelques scènes sont poétiques (comme celle où une personne mime le bruit de l’eau avec sa bouche, qui par son caractère inattendu m’a fait sourire), souvent grâce aux paysages magnifiques du Chili, ou encore à l’Histoire mouvementée qu’a connue le pays.
Ces défauts affaiblissent beaucoup le film qui prenait déjà une route risquée en racontant une histoire à travers l’eau, un concept déjà utilisé avec Nostalgie de la Lumière, et à sa lenteur, due à des choix de réalisation malheureux (les témoins qu’on laisse tomber dès le milieu du film avant de les reprendre à la fin du film, et surtout les problèmes qu’ils ont évoqués et qui n’ont pas été approfondis). Le film n’en reste pas moins une odyssée hypnotique qui montre l’attachement du réalisateur à son pays.

Moilepatator
5
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le 2 janv. 2016

Critique lue 565 fois

3 j'aime

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