Chouette film que ce retour à l'arythmie du coeur robotiquement stable d'un ex-flic stalinien pourchassé par une hiérarchie qui veut faire le ménage au sein de ses propres services. Une quête de rédemption pour s'éviter un passage par la porte des enfers qui prend la forme d'une parabole radicale visant à mettre en lumière le contrôle des masses par les régimes totalitaires. Aux manettes de la charge, les yeux d'un soldat qui recouvre, à la suite de son insubordination, la capacité d'éprouver une certaine forme d'empathie, si infime soit-elle.


Ce qui est intéressant ici, c'est l'égoïsme qui caractérise le personnage et la vacuité finalement de son entreprise. La fin est particulièrement noire puisqu'elle va totalement dans ce sens.

Le capitaine Volkonogov meurt comme il a vécu, dans l'illusion d'avoir tout compris et d'avoir fait ce qu'il faut.

Le capitaine Volkonogov s'est échappé trouve une belle singularité en s'évitant de tomber dans le schéma classique du film qui va faire muter un personnage de prime abord perçu comme exécrable en mère Thérésa. Non, ici, le bonhomme reste un salaud qui s'ignore du début à la fin. Ce qui a pour effet de donner une sacrée puissance au propos : la dernière séquence, dans la cour, fait son effet.


A cette note d'intention particulièrement louable de faire un film peu appréciable au prime abord, puisqu'il est habité du début à la fin par un personnage qui ne pense qu'à sa tronche, s'associe un savoir-faire remarquable en matière de mise en scène et de direction d'acteurs.

Tous les personnages sont incarnés avec une bonne dose de tripes, du capitaine dont on a parlé au salopard qui le poursuit, en passant par son camarade baryton qui partage avec le protagoniste des séquences oniriques marquantes. Enfin, la galerie de personnages que constituent les victimes dont on quémande un pardon de circonstance permet une plongée dans une Russie de la fin des années 30 poisseuse en diable. Les différents acteurs qui se succèdent pour les incarner livrent une belle prestation : le gamin qui brûle les affaires de son père est surprenant de maîtrise, la médecin généraliste qui ausculte son bourreau, c'est puissant.


Enfin, la caméra, d'une mobilité folle, s'associe à un coup d'oeil véritable en matière de photographie : de nombreux passages restent en rétine, j'ai beaucoup apprécié le fait que l'optique ne détourne jamais le regard quand l'horreur prend possession du cadre pour meurtrir les corps, même si parfois le résultat est perfectible — je pense notamment à la dernière chute —.


Pour la faire courte, j'ai beaucoup aimé :)

Direct dans mon top 2023, sans broncher, à côté de Limbo.


ps : la VF a l'air très moyenne, alors si vous n'êtes pas anti VO, privilégiez cette version.

oso
8
Écrit par

Créée

le 7 sept. 2023

Critique lue 32 fois

1 j'aime

oso

Écrit par

Critique lue 32 fois

1

D'autres avis sur Le Capitaine Volkonogov s’est échappé

Le Capitaine Volkonogov s’est échappé
Fleming
8

S'échapper : non, mais se sauver : peut-être...

Mon titre résume à peu près l'histoire que raconte ce film. Je ne le commenterai pas davantage dans le reste de ma critique, pour ne pas trop en dire sur le scénario et sa conclusion. Ceci étant, le...

le 15 sept. 2023

16 j'aime

8

Le Capitaine Volkonogov s’est échappé
Jduvi
8

Echappée belle

[Critique à lire après avoir vu le film]Préambule. Très rare que je me rende dans un Pathé ou dans un UGC. La place y est 50% plus cher que dans une salle art et essai, et l'on doit subir un tunnel...

le 23 juil. 2023

8 j'aime

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

81 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8