Plus l’histoire du Québec s’écrit, plus le film de Gilles Groulx prend de la valeur. Au début des années 60, la quête de liberté de la jeunesse québécoise est en ébullition. On sait qu’il faut faire sauter la baraque, mais comment et par où commencer ? Claude incarne ce « Je suis Canadien français donc je me cherche. » Il se dit révolté, mais révolutionnaire, il ne sait pas. Pour lui chaque instant qui n’est pas consacré à planifier la révolution est futile, à part faire l’amour bien sûr. Le contexte sociopolitique, le comportement humain, tout le rend morose, marabout et verbalement violent. La femme qu’il croyait aimer est son contraire alors qu’il croyait la rejoindre dans son état de persécuté en tant que Juive. Barbara incarne le jeu, la joie de vivre. Elle admire le côté intellectuel de son copain, mais à quoi bon se briser les dents continuellement sur des idéaux. Son cœur et sa tête préfèrent prendre l’air dans des univers fictifs que lui permet sa présence dans la quatrième cohorte de l’École national de théâtre. En fond d’écran, c’est tout le Québec qui est à la croisée des chemins. Les bulletins de nouvelles nous apprennent la création du Ministère de l’éducation, qu’une caserne militaire est en mode alerte à la bombe, etc. Une crise d’octobre se dessine et Claude aurait sans doute pu faire partie de la distribution. À revoir le film près de soixante ans plus tard, notre sympathie tend vers Barbara qui comprenait à l’époque que l’illusion est vitale pour accepter les tourments de la réalité. Et puis il y a la trame musicale de John Coltrane…