Le nom de Tim Dup est ce qui m’a d’abord attiré vers ce film. Je suis adepte de ses chansons douces et mélancoliques qui débordent de beauté lyrique. Le lien entre le film et l’artiste qui en compose la chanson originale s’est naturellement fait : j’attends du Chêne avant tout de la beauté. Je veux voir l’arbre sous ses plus délicates coutures et apprécier les vies qu’il accueille.

Michel Seydoux et Laurent Charbonnier réussissent ce défi et nous proposent un documentaire inventif et… muet.


Après tout, quitter le schéma de la barbante voix over omnisciente est une idée intéressante. Toutefois, rendre son sujet intéressant durant 1h20 sans faire entendre la moindre voix humaine est une autre paire de manches.

Le Chêne réussit parfaitement à déployer une narration, et même à plusieurs échelles. Tout d’abord, le film lui-même est construit selon un cycle d’une année et l’on voit les saisons s’enchaîner, ce qui forme en soi une épopée considérable. Puis, les scènes s’articulent de manière intelligente et intuitive. On y suit à tour de rôle une ou plusieurs espèces dans une unité de temps : le jour ou la nuit. Ainsi, la scène des mulots et du renard succède aux insectes et aux glands, qui précèdent le rapace et le geais. Toutes ces petites saynètes portent un enjeu et un dénouement, à l’instar de petites fables de La Fontaine.


En cela, la musique joue un rôle primordial.

Les compositions instrumentales de Cyrille Aufort ajoutent de l’émotion, de l'intensité dramatique et parfois même de l’humour aux images. Tous les ingrédients sont donc réunis pour que l’on suive avec plaisir l’aventure du chêne de ses habitants.

La lisibilité du film et l’investissement du spectateur sont aussi rendus possibles grâce à d’autres procédés techniques, qui ont de quoi surprendre lorsqu’on parle de documentaire.


La présence d’effets spéciaux est surprenante, mais sensée.

Certains plans viennent montrer le développement accéléré des racines, sous la terre ; d’autres semblent être filmés depuis l'intérieur d’un gland où un insecte a pondu ses œufs : autant de choses impossibles à montrer avec une caméra, et qui font indiscutablement appel aux trucages.


Certains mouvements de caméra, comme des panoramiques qui passent de la surface au souterrain, donnent un grand dynamisme au film. Le Chêne réussit donc à fuir tous les procédés qui peuvent habituellement rendre un documentaire barbant.

Des plans en vision subjective des animaux sont assez saisissants et très bien exécutés, notamment lors d’une course poursuite entre deux oiseaux à travers la futaie. On ne veut pas faire un documentaire ultra didactique sur la botanique, mais bel et bien une expérience sensible et immersive sous forme d’une véritable épopée. Le résultat est concluant, et la petite heure et demie passée en compagnie des écureuils, des blaireaux et des balanins est unique et prenante.


La question se pose toutefois de savoir à quel point le film est honnête. Peut-on se vendre comme un documentaire quand la moitié des plans font appel à des effets spéciaux évidents ?


emimile01
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le 17 oct. 2022

Critique lue 30 fois

emimile01

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