Le Chevalier et la Princesse
3.7
Le Chevalier et la Princesse

Long-métrage d'animation de Bashir El Deek (2019)

Avant tout, il est important de rappeler que l’Égypte est un pays avec une tradition cinématographique forte, et c'est à ce titre elle a produisait déjà ses premiers films d'animation dans les années 30 ! Je vais pas m'en aller à une digression sur ce terrain qui serait complètement hors de propos, mais si vous recherchez "Mish Mish Effendi" il y a moyen que vous trouvez des bribes de ce que c'était. Et je vous le dis comme je le pense : Mickey Mouse peut aller se rhabiller.
Maintenant que c'est dit, ça nous évitera d'essentialiser le film en parlant de "curiosité", "exotisme", "tentative" en l'appréhendant uniquement comme une sorte d’ersatz arabe des Disney. Car bien au contraire, il s'inscrit dans la filiation d'une long processus de transmission du cinéma et de fait en est l'héritier. A l'image de son réalisateur (75 ans) et du temps pour faire ce long-métrage (20 ans).


Le Chevalier et la Princesse choisit d'amarrer son récit sur la véritable conquête du Sindh pendant le règne des Omeyyades comme personnage principal le jeune prodige Muhammad Ibn al Qasim, levant des armées à 17 ans au calme. A partir de là, le scenario prend plus de libertés vis-à-vis de la réalité au profit de la fiction. J'imagine que la tentation de rajouter une idylle était trop forte et que sans celle-ci, le film aurait dû changer de titre, voire de public.


De plus, Bachir El Deek a opté pour un dénouement heureux. Ce qui ne fut pas le cas pour le véritable Muhammad.


En ce qui concerne l'animation, celle-ci est loin d'être immonde mais a le défaut d'être très inégale. Des très beaux plans côtoient d'autres clairement en deçà comme ces teintes mauves et vertes qui colorent des background entiers, ou bien le mélange ostensible de 2D et 3D. Il y a quand même quelques moments de fulgurance comme la bataille finale ou bien l’apparition chantée de Abou Riyah, l'homme à une jambe qui fait office d'adjuvant. C'est également un film très musical où il y a des séquences chantées qui font progresser le récit. Alors ici, on aime ou aime pas, d'aucuns y verront l'intérêt de séduire un public jeune ou d'imiter les américains. En ce qui me concerne, je préfère retenir la merveilleuse bande son de Haitham Al-Khamissi. Le casting des comédiens qui prêtent leur voix est aussi à saluer. J'imagine qu'on doit pas être nombreux à être sensible à ce qui s'apparente à du détail pour nous francophone seulement il a un travail remarquable qui a été fait de côté-là. Les personnages adoptent le dialecte et l'accent de l'arabe parlé de l'époque l’exception des deux djins qui parlent le dialecte égyptien qui ne pouvaient existé ! Ces deux démons sont d'ailleurs caractérisés par leur anachronisme humoristique et ponctuent le film de gags plus ou moins réussis.

Cependant Le Chevalier et la Princesse souffre d'une narration confuse passant d'une séquence à une autre ou bien en ayant recours à des ellipses pas si évidentes à capter. Je pense que c'est une des conséquences de résumer un pan d'événements historiques en un film d'une heure et demie. Les enjeux narratifs sont bien identifiés mais la façon dont ils s'enchainent aurait mérité un traitement un peu moins abrupt.


On retiendra tout de même le magnifique mono sourcil de Muhammad, car Frida Kahlo n'a pas le monopole de ce dernier, mais également (et surtout !) l'ambition raconter sa propre histoire en utilisant ce que l'animation a de mieux à offrir à travers l'imaginaire. Malheureusement, il est fort probable que Le Chevalier et la Princesse se cantonne à n'être qu'un trophée cinéphilique à échanger lors de discussions mondaines. C'est dommage car c'est quand même un plus que ça même s'il n'a su éviter quelques gros éceuils.

Alcalin
6
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le 18 juin 2020

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