Ayant moi aussi amputé ma propre main suite à une dispute avec une marionnette, je ne pouvais que m'intéresser à ce long métrage mis en scène par Jodie Foster.

La mise en scène est sympa. La réalisatrice multiplie les points de vue originaux, certes, mais parfois s'efforce tout de même un peu trop d'être originale alors qu'un tel sujet aurait tiré davantage de bénéfices par le biais une réalisation aussi simple qu'épurée. Néanmoins, la lecture du film reste aisée et on ne s'ennuie pas de ce côté là.

Mel Gibson, qui trouve enfin quelqu'un d'assez tolérant à Hollywood pour le faire tourner dans un film malgré ses propos pas toujours très sympa envers les juifs, se fond à merveille dans ce rôle. Moi qui suis si souvent sceptique quant à son jeu quand il s'agit d'incarner un être tristounet, comme l'arme fatale où on ne sent jamais que son personnage est désamparé mais plutôt qu'il s'agit de voir "Mel Gibson qui incarne un type qui doit être désamparé" tellement il en fait toujours trop, et bien j'ai été ravi de le retrouver ici (surtout après le décevant edge of darkness) où ce trop semble de justesse au vu de la folie de son personnage. Soyons clair: la véritable attraction du film c'est Mel Gibson!

Le gros soucis, selon moi, ne vient donc ni de ses interprètes (même le gosse est sympa) ni de sa mise en scène (malgré quelques défauts de vouloir trop en faire) mais bien de son scénario;

Il manque par exemple un rythme par rapport aux résolutions; en effet, le film se montre ultra contemplatif par rapport aux divers problèmes abordés; c'est beau oui, mais quand vient le moment de trouver une solution, de faire évoluer un personnage, ça se passe en un claquement de doigt, non pas comme par magie, ça se justifie toujours, mais il manque un traitement plus posé afin de déceler toute l'importance de ce moment et les conséquences psychologiques qui en résultent. Ainsi le combat entre Mel et son castor, même s'il s'agit d'une belle métaphore par rapport à sa situation, se déroule en 2minutes chrono, puis on le retrouve guéri... Pour moi, il manque à l'exploration psychologique, ce pan important du twist, du revirement, du changement, de l'évoltuion. Très important une fois qu'on s'attache à un personnage. Là j'ai eu l'impression que cette donnée ne m'était pas donnée mais que je devais au contraire la deviner, sans jamais rien percevoir de toutes les subtilités.

Le scénariste tente de raconter la même chose à deux niveaux différents: le père avec son castor et le fils qui aime écrire à la place des autre. Un problème d'identité dans les deux cas donc. Pourquoi vouloir raconter deux fois la même choses? En général quand un réalisateur raconte plusieurs fois la même chose, c'est pour montrer l'universalité de son thème. Donc en général, ça concerne des grands sujets tel que l'amour, la mort, le racisme, etc... La schizophrénie et l'envie d'être quelqu'un d'autre? Même si on a tous des problèmes identitaires, je ne pense pas que tout le monde réagisse aussi intenséement à ce même problème. Je n'ai donc pas trouvé ce choix efficace. Surtout que le titre met en valeur une seule de ces deux histoires pourtant traîtées avec équivalence dans le métrage. Enfin, comment intriguer autant le spectateur avec une amourette d'adolescent quand on traite de la schizophrénie aussi intelligemment?

Cette seconde histoire, en plus, est traîtée avec nettement moins d'originalité: une histoire d'amour entre deux ado, traîtée sans aucune subtilité, se reposant essentiellement sur les codes du genre (on s'aime, puis hop un truc chez l'un qui est pas 'bien' depuis le début, finit par avoir des répercussions sur l'autre, même si c'était ce qui les unissait à la base, donc ptit coup de blues avant de se rabibocher à nouveau et s'embrasser avant le générique). Si au moins l'histoire était mieux insérée un peu comme un tricot ou tout s'entremêle. Ici j'ai surtout eu la sensation qu'il s'agissait d'une autre histoire déjà écrite que le scénariste a utilisé pour densifier son projet initial et qu'il a vulgairement collé avec de la super glue. Du coup, on pourrait très facilement couper le fils aîné au montage, ça ne gênerait pas du tout la compréhension du film (on aurait juste un calin et une bagarre en moins puisque les personnages du père et du fils aîné ne se croise que 2 ou 3 fois dans le film).

Bref, un film qui divertit grâce à une mise en scène sympa malgré quelques défauts, et surtout pour Mel Gibson; malheureusement l'histoire est traîtée avec paresse malgré une idée de départ assez sympthique et couillue. Disons que le scénariste se voit dépassé par son histoire et ne sait plus quoi en dire sans sombrer dans le happy ending un peu forcé et quelques facilités scénaristiques.

Fatpooper
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le 11 mars 2012

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