Les abyssins ne sont pas les vêtements du pape

C'est un chef d’œuvre et ce qu'on appelait jadis : une super-production !
Ce film peut cumuler bien des superlatifs : d'ailleurs il avait occupé en 1955 la troisième place du box-office avec 7 780 642 spectateurs en salles françaises... Par contre, énigme pour moi : certaines productions fute-fute comme celle-ci, proposaient à cette époque des films en deux épisodes, contraignant le spectateur à retourner au cinéma la semaine suivante s'il voulait connaître la fin de l'histoire ! (ou plus selon certains)...

Pas bête n'est-ce pas ? Donc je ne sais pas si la fréquentation est le cumul d'une seule période ou des deux...Ou de la moyenne des deux ?
Peu importe mais même interrogation : ce résultat est daté de 1955 alors que le film est sorti en 1954...

Vieille technique de contrainte utilisée aussi par et pour les hebdos de BD, genre Pilote, Spirou et Tintin où à l'époque, presque toutes les aventures étaient à suivre d'un numéro au suivant, constituant presque une vente forcée si on voulait connaître la fin....

Dupuis (l'éditeur) allait même plus loin en obligeant les dessinateurs à faire de la dernière case un suspense dont la réponse, parfois bébête, se trouvait dans le numéro suivant... Exemple : "Ciel que m'arrive-t-il encore ?" écrit dans une bulle en grand... Et après une semaine d'angoisse, le lecteur pouvait découvrait la chute : "Ouf ! J'ai retrouvé mes clefs de voiture : je les croyais perdues..."

Cette année-là, "Monte-Cristo" avait été supplanté sur le podium par "La belle et le clochard" et "Vingt mille lieues sous les mers" lequelsemble définitivement perdu corps et biens : on ne revoit plus le Nautilus sur nos écrans, "la belle et le clochard" rarement.. Implosé ? Comme "le Titan" cet autre petit sous-marin expérimental en 2023 qui aurait pu permettre de voir l'épave du Titanic ?
Autre mystère, on ne sait pas grand-chose du réalisateur et probablement scénariste de cette œuvre : Robert Vernay (1907-1979) - en vrai Robert Georges Viandon - a mis en scène trente-cinq films entre 1932 et 1965 et pas des moindres : "Le Capitan", "Fantomas", c'est lui aussi... C'est ici

son dix-neuvième en intégrant cet autre Comte de Monte-Cristo de 1943...
Le cinéphile avisé remarquera aussi que Vernay employait fréquemment les services de Jean-Marais dont c'est pour moi son meilleur rôle... Amitié particulière ? Et il n'est pas cantonné ici dans un rôle de cape et d'épée qui lui était si souvent dévolu..
On se demande pourquoi, comme pour les westerns rediffusés à gogo à la télé, on ne puise pas dans la réserve des films moins connus du réalisateur. Dommage quand même qu'il soit oublié : une disparition si lointaine dans le temps n'arrange pas les choses !
Tout est parfait :on ne s'ennuie pas une seconde,les décors sont prodigieux, et le tournage a dû être titanesque : pas moins de six mois ! Probablement très éprouvant pour tout le monde.
Mais que de "gueules de cinéma" de l'époque, que de "pointures" triées sur le volet mais dont malheureusement la notoriété s'est évaporée, elle aussi, avec le temps qui passe !
Évidemment cette histoire d' Alexandre Dumas peut paraître bien surannée, voire anachronique

mais que d'aventures, que d'actions, quelle revanche sur le mauvais sort quand il s'abat sur vous... Il m'avait donné envie de découvrir le roman dont est tiré ce conte du comte.alors que, souvent c'est l'inverse.
L'examen psychologique des personnages est d'une rare finesse pour l'époque et on cherche en vain une faille : c'est du grand art. Simplement...

Le film que j'ai vu n'a pu être restauré comme espéré: on subit parfois des variations de couleurs... C'est la patine du temps comme diraient les marchands d'Affaire conclue sur France 2...

Explication du générique donnée et visible sur le lien adressé par l'un de vous (1) :

"Le procédé couleur "Gevacolor" (2) utilisé pour le tournage du film film révèle avec le temps une perte de couleurs originales et un virage magenta du négatif. La version restaurée à partir des négatifs originaux restitue au mieux les informations de couleurs restantes, cependant certains défauts colorimétriques de trucages sont irréversibles." Gageons en l'espérant que l'intelligence artificielle viendra à bout de cette impasse actuelle !
Vous ne verrez pas souvent autant de superlatifs dans mes commentaires de films, mais celui-ci est vraiment d'un haut-niveau et je ne connais pas de ré-éditions qui l'aient supplanté.
Malheureusement, sur petit écran, il s'était fait rare... Il n'est pas le seul. Que de pépites somnolent ainsi dans nos archives cinématographiques !

TV5 Monde le 06.12.2021- Arte le 25.12.2023-04.02.2024-

(1) lien envoyé par un correspondant de Sens Critique :

https://www.arte.tv/fr/videos/041743-001-A/le-comte-de-monte-cristo-1-2/

(...) Les scans 2K, les restaurations de l'image et du son, ont été réalisés par le laboratoire Mikros image.

(2) La technique Gevacolor, a été créée par la firme belge Gevaert en 1947 et a prospéré dans les années cinquante, convenant aux réalisateurs travaillant in-situ. Elle a fusionné en 1964 avec Agfa pour devenir Agfa-Gevaert et proposer des pellicules jusque dans les années quatre-vingt .une vingtaine de films ont été tournés selon ce procédé en Europe, le dernier en 1978, et bien plus en Inde...