Un portage crédible, un Pierre Niney électrisant

Qualité française. On sent durant le film le souci de faire un blockbuster à la sauce hexagonale, dans le montage, dans les décors et les costumes. Cependant, sans tomber dans l'outrance et ce, en particulier, grâce à l'interprétation, dans l'ensemble très juste : du procureur (Laurent Laffite) à Morcef, l'ami qui a trahi (Bastien Bouillon), à l'amour perdu Mercedes (Anaïs Demoustier), aux comparses Haydée et Andrea...

Stop. Mais de quoi parle-t-il ? Eh bien de la millième adaptation à l'écran du roman de patrimoine d'Alexandre Dumas (un de plus, après D'Artagnan l'an dernier), Le Comte de Monte Cristo dont je dois bien concéder que je ne l'ai pas lu — mais n'est-ce pas tout l'avantage de Dumas, qu'on ait l'impression de le connaître par cœur, au vu de ses infidèles traductions filmiques ?

Ce n'est peut-être pas le choix le plus audacieux de nos jours que d'adapter, encore et encore, une œuvre qu'on connaît par cœur. Réussir à créer du nouveau, de l'inattendu, de l'enthousiasmant même à partir d'un univers si balisé, n'est pas le moindre mérite de ce film.

J'évoquerai le doute qui d'abord m'avait pris, au vu de l'affiche : Pierre Niney, avec tout le talent que je lui reconnais, si souvent brillant, même, a-t-il bien, comment dire, le physique de l'emploi ? Edmond Dantès, que je me figure comme une espèce de brute, omnisciente et manipulatrice, ne nécessite-t-il pas une tout autre carrure, et d'abord corporelle ?

J'ai rapidement cessé de me poser la question.

Le prologue assez ampoulé m'a fait craindre quelque chose de déclamatoire, voire de banal comme une dramatique télé d'antan. Sauf qu'à un moment, après le passage obligé du château d'If, Niney devient Dantès, au sens où il accomplit la transformation que connaît son personnage, sous nos yeux. Autrement dit, il embrasse le caractère, totalement fictionnel, d'un personnage réduit à son archétype, celui d'un ange de la vengeance.

Tout cela fonctionne comme fonctionne l'œuvre dumasienne, en déroulant. L'art du réalisateur et du scénariste consiste à ne pas entraver cette belle mécanique, qui tient toujours la route malgré son romantisme enfiévré : c'est beau (esthétiquement), terrible (la vengeance) et exalté (cet amour arraché, qu'on regrette toute sa vie).

Cela fait un bien beau film à la française, dont on souhaite qu'il marche à l'export, parce que de par ses qualités indéniables il mérite une forme de reconnaissance.

Mathieu-Erre
7
Écrit par

Créée

le 8 juil. 2024

Critique lue 33 fois

1 j'aime

Mathieu Erre

Écrit par

Critique lue 33 fois

1

D'autres avis sur Le Comte de Monte-Cristo

Le Comte de Monte-Cristo
Plume231
3

Le Comte n'est pas bon !

Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...

le 1 juil. 2024

250 j'aime

59

Le Comte de Monte-Cristo
Behind_the_Mask
8

La vengeance aux multiples visages

Il faudrait un jour se rendre compte que, finalement, Alexandre Dumas avait déjà tout compris à notre culture populaire avec plus de cent cinquante ans d'avance : le feuilleton, le revenge movie, les...

le 29 juin 2024

107 j'aime

9

Le Comte de Monte-Cristo
abscondita
9

"Je suis le bras armé de la sourde et aveugle fatalité"

Le Comte de Monte Cristo est une histoire intemporelle et universelle qui traverse les âges sans rien perdre de sa force. Cette histoire d’Alexandre Dumas a déjà été portée plusieurs fois à l'écran...

le 30 juin 2024

59 j'aime

14

Du même critique

Baldur's Gate III
Mathieu-Erre
10

À la porte de Baldur, guette la démesure

Après ces références absolues que furent Baldur's Gate I, en 1998, et Baldur's Gate II : Shadows of Amn, en 2000 — je n'évoquerai pas des suites ou add-on plus ou moins ineptes — vingt-cinq ans, ça...

le 11 déc. 2023

10 j'aime

20

Il reste encore demain
Mathieu-Erre
7

Une fable féministe et feel good

Il est difficile de comprendre pourquoi ce film a fait un tel carton en Italie. Un carton historique, même, battant tous les records d'entrée : un phénomène de société, dirait un journaliste.De notre...

le 14 mars 2024

9 j'aime

Disclaimer
Mathieu-Erre
5

J’avais mis 7

Et puis dans l’épisode 3, une espèce de scène de porno chic, un peu plus hot qu’un téléfilm érotique de M6 à la grande époque, avec une MUSIQUE, mais une musique, proprement grotesque. Dommage parce...

le 22 oct. 2024

5 j'aime

19