Le Comte n'est pas bon !
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Le Comte de Monte-Cristo est plus qu’un roman : c’est un monument de la littérature française, une fresque monumentale, un chef-d’œuvre absolu, une odyssée humaine et spirituelle d’une profondeur inégalée. Alexandre Dumas y déploie une richesse foisonnante de personnages, d’intrigues et de subtilités psychologiques, tissant une toile d’une finesse exquise où chaque relation tacite, chaque non-dit éclaire le destin des héros. Lire ses 1200 pages, c’est s’abandonner à une expérience littéraire rare, qui vous transporte, vous émerveille, et vous marque à jamais.
C’est pourquoi le choc n’en est que plus violent lorsqu’on découvre l’adaptation cinématographique d’Alexandre de la Patellière : une œuvre grotesque, insipide et superficielle, qui trahit son modèle avec une désinvolture révoltante. Ce film ne peut se savourer qu’à la condition d’ignorer totalement le roman, tant les incohérences, les simplifications et les inventions sans queue ni tête s’y multiplient.
Certes, on pourrait accorder une indulgence : condenser 1200 pages en 2h50 relevait de la gageure. Mais il y a une différence entre choisir et trahir, entre simplifier et falsifier. Respecter l’ossature du récit, l’esprit du texte, l’âme des personnages – voilà qui devrait être à la portée du moindre adaptateur un peu scrupuleux. Hélas, comme trop souvent, les réalisateurs contemporains semblent incapables de s’effacer devant un chef-d’œuvre : ils doivent « réinventer », quitte à pervertir l’histoire, comme si seule leur relecture pouvait justifier leur existence artistique.
Les contre-vérités abondent : une femme que Dantès sauverait de la mer – invention pure. Danglars destitué de son titre par Morrel – invention encore. Cette femme, transformée en sœur de Villefort – absurdité totale, puisque le seul bonapartiste de la famille est Noirtier, personnage majeur du roman, totalement effacé du film ! Andréa Cavalcanti devenu André, assassin improbable de Villefort. Fernand Mondego affrontant Dantès en duel, ce qui n’arrive jamais. Haydée, promise fidèle au Comte, travestie en amoureuse d’Albert de Morcerf. Je pourrais continuer des heures à relever ces errements qui trahissent non seulement la lettre, mais surtout l’esprit du récit de Dumas.
À cela s’ajoutent des maladresses grossières : pourquoi faire tutoyer des personnages de l’aristocratie et de la bourgeoisie, alors que nous sommes au début du XIXᵉ siècle, où le vouvoiement était la norme absolue ? Prétexte moderne sans doute, mais qui détruit la vraisemblance et la saveur historique de l’œuvre.
Le casting n’arrange rien : confier à Anaïs Demoustier le rôle de Mercedes relève de la faute de goût. Car Anais Demoustier n'est ni belle ni talentueuse de plus Mercedes est catalane, d’une beauté fière et solaire ; or ici, rien n’évoque la grâce ou la passion du personnage. Ironie cruelle : seule Anamaria Vartolomei (Haydée à l’écran) aurait pu incarner une Mercedes crédible. Pierre Niney, quant à lui, se débat avec sincérité mais ne peut sauver le naufrage : comment le pourrait-il, quand manquent des dizaines de personnages essentiels et tout un entrelacs d’histoires qui font la grandeur du roman ?
On rétorquera qu’il était impossible d’être exhaustif – certes ! Mais il était parfaitement possible d’être fidèle, respectueux, inspiré. Or ici, tout semble sacrifié à la facilité, au spectaculaire creux, à une volonté de modernisation mal pensée. Le résultat est une caricature, une trahison, une catastrophe qui ferait se retourner Dumas dans sa tombe.
Mon conseil est simple : épargnez-vous cette mascarade. Lisez le roman. Tout y est : la grandeur, la vengeance, la justice, l’amour, la douleur et la rédemption. Là est le vrai Monte-Cristo, là est le génie. Le reste n’est qu’ombre.
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le 27 août 2025
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