Réalisateur dont le nom est mythique et dont on m’a allègrement parlé, je n’avais, avant ce film, rien vu de Bernardo Bertolucci. Le conformiste est un film qui nous conduit dans les couloirs du fascisme italien des années 1930, interrogeant l’adhésion à un tel courant et les différentes manières par lesquelles cet allant s’exprime. Jean-Louis Trintignant y campe un “dottore”, ne souriant jamais mais s’exprimant dans un italien parfait, aimé de la plupart de ses connaissances mondaines, et qui mène, dans un Rome décadent, une histoire d’amour avec une femme qu’il va bientôt marier. Jean-Louis Trintignant y est impeccable, dégageant une noirceur qui n’est jamais dite, comme une sorte de lente agonie. Je me suis demandé si ça n’était pas peut-être aussi un film sur la modernité désenchantée et la dépression.
Sont également explicitées une enfance et une pré-adolescence chahutées, marquées par la démence d’un père, l’exubérance dépressive d’une mère, les moqueries et humiliations de ses camarades, et peut-être avant toute chose l’agression sexuelle subie, alors qu’il n’est qu’enfant, par un un chauffeur sur lequel il finit par tirer. Alors qu’il expose cette scène à un prêtre, dans l’obscurité du confessionnal, la frontière entre le rêve et la réalité s’affine. Avec une question qui semble traverser ce personnage, mais surtout l’homme d’Église : quel est le péché capital : la sodomie ou le meurtre ?
Au fil du récit, l’activité de Marcello pour la police politique secrète de Mussolini se délivre. Et lors de son voyage de noce, à Paris, il se rapproche d’un de ses anciens professeurs de philosophie, professeur Quadri, réfugié politique en France car antifasciste, et que Marcello a la tâche d’abattre. Alors qu’il se rapproche progressivement du couple, il tombe pourtant amoureux de la jeune épouse du professeur, permettant à Bertolucci d’aborder la question du désir et de montrer par la même occasion à quel point l’adhésion de Marcello au fascisme n’est pas pleine et entière. Si elle lui permet d’asseoir une condition sociale et une certaine respectabilité, elle s'efface dès lors qu’il dévoile son attachement à d’autres choses, spécifiquement à Anna. C’est ainsi lors de la traque des Quadri, dans la forêt enneigée Savoyarde, qu’il va même jusqu’à refuser de poursuivre Anna qui fuit entre les arbres. Symbole ultime de sa lâcheté, il refusa également de l’aider quelques minutes auparavant.
C’est un homme froid, refusant de choisir, aux convictions maigres mais hanté par un passé et cet épisode du 25 mars 1917 où il croit avoir tué Lino. Il le retrouve finalement, par hasard, dans un Rome quasiment désert et débarrassé de Mussolini, comme lui de ses vieux démons ou alors prêt à se conformer à nouveau ?