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Ça c’est mon exception culturelle française comme je l’aime !

Mouaif.


Sans rivaliser un seul instant (en termes de prose) avec le peu que j’ai lu de Matzneff – à savoir « Ivre du vin perdu » seulement –, le bouquin homonyme de Vanessa Springora avait pour lui de proposer un contre-pied pertinent au récit matzneffien (même si à mon avis, le témoignage – beaucoup plus vindicatif – de Francesca Gee paru l’année suivante était plus intéressant, parce qu’elle s’y employait à humilier Matzneff – ce qui est marrant – et qu’elle interrogeait un peu plus les responsabilités gravitant autour du personnage – ce qui est courageux).


Ce n’était pas de la littérature (pas sûr que ce soit le but au demeurant) mais c’était un témoignage bienvenu, a fortiori s’il a pu faire retourner leur veste à certains ayatollahs de la… « libération des mœurs » dirons-nous (à savoir tous ces journalistes de gauche de Libération et cie, et leurs homologues intellectuels ayant leur rond de serviette dans leurs rédactions – bref, tous ces donneurs de leçons que dénoncent Vanessa Springora et Francesca Gee dans leurs livres respectifs).


Le problème de ce film, c’est que tout en n’étant rien d’autre qu’une adaptation très scolaire (c’est à propos, remarquez...) et absolument sans intérêt du témoignage de Vanessa Springora (je cherche encore où est le cinéma là-dedans), il le sabote complètement par ses deux têtes d'affiche, Jean-Paul Rouve en tête.


Je l’aime beaucoup par ailleurs (Nos Jours heureux à jamais dans mon cœur), mais il se vautre ici complètement en Gabriel Matzneff, qu'il joue d’emblée puis sans discontinuer comme un grand méchant, son regard et son ton constamment sinistres alors que, justement, Vanessa Springora nous expliquait dans son bouquin que le type est (alors encore) bel homme et charmant (ce sont ses mots à elle – je précise au cas où). Ce que n’est pourtant jamais Rouve (même dans les scènes en public, où il est supposé séduire tout son auditoire), qui se montre invariablement inquiétant – et immédiatement suspect (sa voix off ouvre le film). Gros loupé.


Surtout que, face à lui, Kim Higelin débite (celle de Matzneff du moins) systématiquement ses répliques d'un ton théâtral complètement à côté de la plaque (son personnage n'étant pas celui de Matzneff). Pourtant l’actrice s’avère, malgré ses 23 ans (aujourd’hui, donc plutôt 21 ou 22 au moment du tournage), tout à fait crédible en pré-ado de 14 ans (au début du film, puis on la suit sur plusieurs années), pas de souci là-dessus ; et elle sait jouer toute une palette d’émotions, donc je n’ai pas envie de l’accabler, mais il y a vraiment quelque chose qui sonne faux avec la majorité de ses répliques.


Et du coup, l’un dans l’autre (façon de parler), bah ça ne fonctionne pas : en lieu et place de l’emprise d’un pervers envoûtant sur une pré-ado, je vois une jeune femme se laisser embobiner par un Jean-Paul Rouve qui semble hurler à chaque scène « Agrougrou je suis méchant ». A quel moment est-ce que ce spectacle est censé être malsain ? où est le malaise que ce film devrait me faire ressentir ? Nulle part… d’autant qu’il s’avère en plus très timoré graphiquement. L’actrice étant majeure, il aurait pourtant pu s’autoriser à y aller bien plus franchement dans ses scènes de sexe, histoire d’être bien glauque et révoltant. Il me semble que ça s’imposait, compte tenu du sujet…


Parce que là, le film n’est même pas arrivé à me scandaliser… c’est désespérément sage, prude, on sent bien que ça a conscience de la gravité de son sujet (notamment avec sa fin solennelle lourdingue) et que ça essaie d’impressionner (une poignée de plans chocs le parsèment), mais aussi que ça veut impérativement rester dans les clous…


Résultat, un film si plat qu’il arrive à ne rien provoquer devant un sujet pourtant révoltant.


Bref, un téléfilm de luxe… avec un Jean-Paul Rouve à côté de la plaque, et plein de plans où l’on se mange le soleil dans la gueule (ce qui n’en fait pas un film solaire pour autant).


(Laetitia Casta très bien par ailleurs, comme d’hab)

ServalReturns
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le 11 oct. 2023

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