Le Cousin Jules
8
Le Cousin Jules

Documentaire de Dominique Benicheti (1972)

Jules Guiteaux, 83 ans, et sa compagne Félicie vivent dans une petite ferme en Bourgogne. Lui est forgeron, elle s’atèle à diverses tâches à la ferme.
Dominique Benicheti , qui est un cousin lointain de Jules, filme le quotidien de ce couple âgé, s’attardant sur les petits gestes quotidiens. Il filme Jules de 1968 à 1973, 5 ans, qu’il condense dans le film sur une seule journée. Jules se réveille avec le chant des coqs, accompagné de Félicie, mais termine sa journée seul, assis devant la table de sa cuisine. Car durant ses 5 années et matérialisé par une très belle ellipse, Félicie disparaît, laissant Jules seul, ce dernier redéfinissant alors son quotidien en poursuivant les mêmes gestes ou en en inventant d’autres.
Cadré dans un cinémascope sublime, qui met autant en valeur les paysages de pâturages bourguignons que le visage et le corps des personnes qui les arpentent, le film de Benecheti bouleverse. Il bouleverse par sa très grande douceur, sa simplicité et sa lumière, pour filmer un quotidien pourtant rugueux. Il bouleverse pour sa manière de filmer une routine, simple, peut être terne, peut être heureuse, peut être pénible, on en sait rien. C’est une routine. Le film ne cherche jamais à juger celle-ci de façon optimiste ou pessimiste. Ils sont là, ils font ça, ils vivent, point. Le metteur en scène saisit les petits gestes quotidiens précis, huilés, en les rendant passionnants, essentiels. Il choisit de filmer en prenant son temps, en laissant le temps s’écouler, en captant les petits détails, de façon à faire réellement exister ces gestes, à les ancrer dans le réel, permettant de les rendre palpables et beaux. Il forge des petits objets, elle prépare le café, elle coupe des pommes de terre, il se rase, d’autres ramassent des fagots et font avancer une charrette.
Tous ces gestes, pourtant banals, sont magnifiés et deviennent grandioses, fabuleux. Car ils sont les composants essentiels d’un quotidien précis qui devient un microcosme unique, un univers tout entier, une unité de lieu rapidement familière possédant sa propre musicalité. Peu de dialogues mais beaucoup de sons, de musiques, celle des coqs, des vaches, des cloches, celle de la ferraille que Jules travaille.
Il y a bien sûr cet évènement tragique au milieu du film, que l’on ne voit pas, que l’on ne comprend pas immédiatement. Le film ne l’explique pas, il se contente de filmer Jules avec elle, puis Jules sans elle. Ce qu’il faisait et ne fait plus, comme son art de forgeron. Et ce qu’il ne faisait pas et fait désormais, comme préparer la soupe ou nourrir les poules.
Bien sûr le plan qui clôt le film est saisissant, Jules assis à sa table au milieu de sa cuisine, filmé depuis l’extérieur de sa maison au milieu de la nuit, seul. Dans une tâche de lumière au milieu de l’immense obscurité. Mais ce qui est bouleversant, et que le film montre dans ce plan et montrait durant toutes les minutes précédentes, c’est qu’il ne filme pas là le tragique d’un homme seul, il filme simplement un homme, un homme qui est là et qui vit. C’est sublime.

Teklow13
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste TOP 10 FILMS 1973

Créée

le 27 juin 2015

Critique lue 519 fois

4 j'aime

2 commentaires

Teklow13

Écrit par

Critique lue 519 fois

4
2

D'autres avis sur Le Cousin Jules

Le Cousin Jules
Teklow13
9

Critique de Le Cousin Jules par Teklow13

Jules Guiteaux, 83 ans, et sa compagne Félicie vivent dans une petite ferme en Bourgogne. Lui est forgeron, elle s’atèle à diverses tâches à la ferme. Dominique Benicheti , qui est un cousin lointain...

le 27 juin 2015

4 j'aime

2

Le Cousin Jules
Boubakar
7

Un autre temps.

Sur une période de deux jours, espacés entre 1968 et 1973, on suit la vie d'un vieil forgeron bourguignon et de son épouse, celle-ci étant décédée entretemps. L'homme, nommé Jules Guitaux, reprend la...

le 10 févr. 2021

3 j'aime

Le Cousin Jules
Claire-Magenta
8

Critique de Le Cousin Jules par Claire Magenta

Film qui n'a jamais été distribué en son temps, Le cousin Jules est par définition un document(aire) rare. Tourné entre avril 1968 et mars 1973, l'œuvre du jeune réalisateur Dominique Benicheti,...

le 9 juil. 2015

3 j'aime

Du même critique

Amour
Teklow13
8

Critique de Amour par Teklow13

Il y a l'amour qui nait, celui qui perdure, celui qui disparait, et puis il y a celui qui s'éteint, ou en tout cas qui s'évapore physiquement. Si certains cinéastes, Borzage, Hathaway, ont choisi de...

le 22 mai 2012

88 j'aime

11

Mud - Sur les rives du Mississippi
Teklow13
5

Critique de Mud - Sur les rives du Mississippi par Teklow13

J'aime le début du film, qui débute comme un conte initiatique. Nichols parvient à retranscrire d'une jolie façon le besoin d'aventure, de mystère, de secret que l'on peut ressentir durant l'enfance...

le 31 mai 2012

56 j'aime

4

Les Amants passagers
Teklow13
2

Critique de Les Amants passagers par Teklow13

Le film possède une dimension métaphorique et repose sur une image politique plutôt intéressante même si déjà rabattue, à savoir assimiler un avion à la société actuelle, en premier lieu la société...

le 26 mars 2013

55 j'aime

4