La révolution n'a pas lieu que sur le pont du Potemkine, mais aussi sur la pellicule d'Eisenstein ! Le Cuirassé Potemkine est un film mythique du cinéma de propagande soviétique, à ce titre ce n'est pas au niveau du scénario ou du message véhiculé qu'il faut s'attarder. Mais d'un point de vue technique et narratif, il s'agit d'un bijou !
La caméra d'Eisenstein est précise, virtuose et audacieuse. Elle saisit les mouvements de foule avec maestria, qu'il s'agisse des mutins sur le pont du cuirassé ou la foule de civils sur le port d'Odessa. Mais elle sait aussi se rapprocher au plus près des comédiens pour saisir les moments de tensions. Un montage acéré et rapide vient renforcer cette opposition entre les révolutionnaires et les officiers tsaristes, créant par la même occasion du rythme et du suspens.
Mais Eisentsein maîtrise aussi les plans de coupe habiles et symboliques. Qu'il s'agisse de ce morceau de viande avarié couvert des vers, des lorgnons du médecin Smirnov pendant pathétiquement dans le vide, suspendus aux cordages, alors que leur propriétaire vient de passer par-dessus bord, ou encore le poing serré de cet homme enragé sur le port d'Odessa.
Le symbole et l'image choc, Eisenstein maîtrise cela à la perfection. Que dire du corps du matelot Vakoulintchouk, premier mort de la révolution pendant au-dessus de la mer, empêtré dans les cordages, telle une figure christique ? Evidemment, l'apogée du film se trouve dans cette mythique scène des escaliers : de la femme abattu, à l'enfant piétiné, en passant par le landau qui dévale les marches, les images violentes et symboliques s'enchaînent sans répit. La mise en scène alternant les plans en plongée et contre-plongée, les gros plans, les travellings, les champs contre-champs... Eisenstein fait partie de ces pionniers qui écrivent la grammaire du cinéma.
Leçon de montage, leçon de rythme, leçon de mise en scène, mais aussi leçon de propagande, Le Cuirassé Potemkine est un film mythique à bien des égards. Que ce soit par amour du cinéma ou par curiosité historique, tout un chacun devrait se plonger dans cette oeuvre bientôt centenaire.