Le Cygne noir
6.8
Le Cygne noir

Film de Henry King (1942)

juill 2010:

Le film de pirates par excellence : tous les ingrédients sont là. De la bataille navale au drapeau noir en passant par l'île de Tortuga. Pleins de couleurs chatoyantes à l'oeil grâce à un superbe technicolor, le film est d'abord un petit bijou visuel. Certains plans se révèlent de toute beauté, notamment quand les scènes se déroulent au coucher du soleil. C'est donc à un merveilleux voyage dans le vent des Caraïbes, dans des jardins coloniaux pleins de fleurs ou bien au milieu d'une engeance hirsute et beurrée par la bière et le vin qui coulent à flot dans les tavernes frustes que ce film nous invite.

L'histoire d'amour entre la lady et le tramp, fieffé pirate, est une aimable ritournelle. Elle rime avec éternelle bien sûr et de songer alors à ces films ô combien denses, rythmés et exotiques que Curtiz, entre autres, nous avait concocté avec Flynn et Havilland en duettistes de l'amour.

Ici Tyrone Power et Maureen O'Hara nous offrent la même performance. Le regard tendu, apeuré et colérique de la belle O'Hara fonctionne à merveille dans le miroir presque enfantin que représente Power. Il faut le voir d'abord la laissant choir de ses épaules comme un sac de patates quand il aperçoit son chef qu'il pensait disparu au début du film et la lente et subtile transformation qui s'opère en lui jusqu'à rougir ses yeux d'une flamme sans équivoque que l'irritation d'être pris dans les filets d'une idylle attise de plus en plus.

Le jeune capitaine devient homme, s'affranchit peu à peu de son aveugle fidélité, prend des initiatives personnelles, donne un sens à sa vie. J'ai bien apprécié comment le scénario a su développé cette révolution avec justesse et éclat, dans un rythme tout à fait naturel et juste. Power me fait une belle impression : sa fougue ne fait jamais passer son personnage pour un pantin bondissant. Voilà un péril que je ne cesse de craindre sur ce genre de films. A tort sans aucun doute. Les pantalonnades de Depp le servent tellement qu'on se prendrait presque à regretter que le fade Orlando Bloom n'en ait fait le quart. Ici Power reste plutôt sobre. On se délectera aussi des personnages secondaires (Laird Cregar et Georges Sanders qu'on reconnait à peine). sont un peu trop modestes pour marquer mon esprit d'une quelconque trace indélébile.

Donc un grand film d'aventures maritimes avec surtout les alizés dans la grand-voile et dans les yeux. Vivant, mais un peu encore empli d'une certaine naïveté dont s'est repu avec avidité le cinéma spectaculaire hollywoodien et dont les scènes d'action et de bataille se déroulant en studio sont comme des symptômes désormais d'un autre temps, le film s'inscrit dans une cinématographie de l'enfance (on dirait que je suis le pirate et que tu voudrais me prendre ma belle, d'accord?) du rêve transcendant la peur de grandir, bref ce que l'exotisme apporte d'adoucissant à un récit déjà très agréable à suivre et une esthétique colorée très cajoleante. Bonbon ou sorbet aux fruits de la passion avec granules de coco.
Alligator
7
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le 13 avr. 2013

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