La violence individuelle est un crime. La violence de masse, c'est l'Histoire !



  • Tu as mal ? La torture est nécessaire, Wallace. Elle remonte le moral des troupes. On ne l'apprend pas à l'université ? C'est ta culture qui t'a trahi. Elle laisse une odeur persistante que je connais bien.

  • Je ne comprends pas comment un homme comme toi a pu devenir...

  • C'est ça qui est extraordinaire. Qu'un homme comme moi soit resté en retrait tant d'années avant de découvrir son potentiel. Réalises-tu ce qu'un homme brillant peut faire dans ce pays, où les hommes les plus frustres et ignorants ont pu faire la loi ?

  • Il peut essayer de le changer, de l'améliorer, si ce n'est pas un faible comme toi, comme tu l'étais à Boston, civilisé parmi les civilisés, violent parmis les violents. Tu t'adaptes comme un parasite répugnant !

  • Tu n'étais pas assez attentif en classe, Wallace. Tu n'as rien compris à la violence. Un homme violent est un hors-la-loi. S'il y en a 100, c'est une bande. S'il y en a 10 000, une armée. Tout est là. La violence individuelle est un crime. La violence de masse, c'est l'Histoire.




L'amitié ce n'est pas une balle dans le dos.



Sergio Sollima tourne quelques mois après Colorado son second volet, Le dernier face-à-face. Un western monumental, d'une richesse autant insoupçonnable que troublante. Il présente un des rares westerns politisé, dans lequel il fait plus d'une fois allusion à l'esclavage, au crime de masse toléré et à l'ambiguïté de l'homme. Une oeuvre qui brasse beaucoup de questions sur la violence, la culture, le fondement de chacun, le cadre de vie. Un récit très sombre, brutal et sans concessions ayant du sens, n'étant jamais dans la gratuité. Un récit captivant et vigoureux emmené par une distribution de génie, dont trois grands acteurs avec Tomas Milian, Gian Maria Volonte et William Berger. Techniquement il y a de la qualité à tous les niveaux. La mise en scène est saisissante. Les dialogues percutants. Les images de qualité. La réalisation inventive. La composition du Big Boss Ennio Morricone est toujours autant extraordinaire. Rien n'est laissé au hasard.


Brad Fletcher un professeur innocent, frêle et plein d'idéo atteint de tuberculose, incarné par Gian Maria Volonte se retire au soleil du Texas pour se soigner. Au cours de son périple, il rencontre le féroce et sans pitié brigand Beauregard Bennet, dernier membre de la horde sauvage, incarné par Tomas Milian. Les deux personnages que tout oppose font pour un temps équipe, où l'érudit idéaliste représenté par l'intelligence de Fletcher, va s'allier à la puissante gâchette illettrée de Beauregard. De nouveaux horizons s'ouvrent aux deux hommes qui vont apprendre l'un de l'autre malgré leur désaccord.


On est loin d'une structure scénaristique conventionnelle. Tout l'intérêt de l'intrigue passe par le relationnel des personnages qui sont munis de profondes réflexions. Le récit semble au départ proposer un spectacle purement conventionnel avec le rapport du bien contre le mal, incarné par les deux hommes. Le gentil contre le méchant, dans une forme assez caricaturale. Finalement, plus le récit avance plus les clichés s'effacent, pour prendre une forme beaucoup plus pertinente, subtile et nuancée. Ainsi nos rapports aux personnages sont rudement mis à l'épreuve. Alors qu'absolument rien ne le laissait présumer, on assiste à un changement radical. Le gentil devient le méchant. Le méchant devient plus honorable. L'un commence à être doté d'une conscience. L'autre la perd volontairement. Il est incroyable de voir avec quelle contradiction le film vient à nous percuter.


Les actions sont bonnes et rythmées, mais l'aspect duel et grand spectacle est bien moins visible que dans Colorado. Faut dire que le but recherché n'est absolument pas le même. La confrontation finale est sidérante, non pas pour son spectacle, mais pour sa résultante qui nous prend totalement à contre-pied. Le duel se termine sur une note saisissante, aride et inoubliable. Le dénouement est ahurissant, offrant une conclusion nous laissant perplexe, marquant notre esprit au fer rouge. Le générique de fin retenti et on s'enfonce dans notre fauteuil, plongé dans notre subconscient, en pleine réflexion sur la dernière séquence visualisée. Notre confiance s'effrite à nouveau, on est ravagé par l'amertume et la dureté du récit. Une fois l'intégralité remémorée et la pilule digérée, on réalise à quel point Le dernier face-à-face est une oeuvre intelligente, imprévisible et bourrée de qualité. Un grand western n'ayant rien à envier au model américain.


Sergio Sollima présente une fois de plus des personnages charismatiques dotés d'une réelle sensibilité, avec des gueules bien marquantes. Cette présentation représente clairement la force du réalisateur, qui ne tombe jamais dans les travers du héros et du méchant caricatural. Prenant continuellement à contre-pied. Même dans Colorado, le cinéaste joue de cela, ne laissant apparaître les réelles intentions des personnages qu'à la fin du film. Tomas Milian le comédien fétiche de Sergio Sollima assure de nouveau le coup dans un rôle rustre et cruel. J'aime son rôle d'homme fort et abrupte qui petit à petit va changer. William Berger en Charlie Siringo est bon en shérif. Il amène un sacré contraste en incarnant là aussi un personnage énigmatique et ambivalent. Finalement chacun se trouvera un sens au mot Justice.


Vient enfin Gian Maria Volonte qui dans le rôle de Brad Fletcher m'a totalement subjugué. Quelle incarnation ! Gian Maria Volonte est magistral, avec son regard perçant il crève l'écran. J'ai l'impression de redécouvrir le comédien dans ce film. Une véritable personnification du talent de l'acteur qui subit une véritable métamorphose durant le récit, étant en perpétuel évolution. La scène où il fait une prise de conscience en prenant le pouvoir est impressionnante. La séquence de la torture m'a littéralement fasciné et transmis le frisson. Une interprétation qui aurait mérité d'être récompensé. Le genre de performance où le comédien s'empare de vous, pour ne plus vous lâcher jusqu'à la fin, en prenant auparavant soin de vous remuer dans tous les sens.


CONCLUSION :


Le dernier face-à-face (version longue) est un grand western signé Sergio Sollima, que j'ai vu en version italienne. Une fable humaniste perplexe, présentant un scénario trompeur profondément intense et différent de ce que l'on a l'habitude de voir. Un duel psychologique entraînant et intelligent soutenu par la composition musicale sans failles d'Ennio Morricone, qui comme à son habitude signe des mélodies passionnantes.


Un brillant chef-d'oeuvre à la résultante bluffante.

B_Jérémy
10
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le 25 mars 2020

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