Brad Fletcher (Gian Maria Volonté) est un professeur d'histoire, malade de la tuberculose il doit quitter son nord-est américain civilisé pour respirer l'air du sud, sauvage et indompté. Séjournant paisiblement dans un relai en plein milieu du désert il fait la rencontre de Solomon Beauregard Bennet (Tomas Milian) un hors-la-loi anciennement chef de la horde sauvage. Se retrouvant pris pour otages lors de l'évasion de Beauregard - blessé dans sa fuite - Fletcher parviendra dans un premier temps à sauver, targuant qu'il est inutile de tuer un homme gravement malade et reconnaissant aidera Bennet a soigner ses blessures. Une étrange amitié de circonstance va alors se lier entre le professeur et le bandit qui ne cherche d'ailleurs qu'à reformer sa bande. Tandis que progressivement Fletcher va se laisser tenter par cette vie de hors-la-loi, découvrant au sein de cette bande une réelle communauté et famille et allant jusqu'à finir par s'imposer comme un leader charismatique au sein de ce gang.


Le dernier face à face est un film réalisé par Sergio Sollima, western spaghetti sorti en 1967 alors que le sous genre était à son apogée et s'inscrit indubitablement parmi les plus grands films de ce sous genre. Partant d'un postulat de départ un peu éculé qui est celui de placer un homme des grandes villes, pacifique, un peu bourgeois, ne sachant pas se battre ou manier une arme… dans l'ouest sauvage, désert et où règne la loi du plus fort ; il parvient efficacement à se différencier d'autres œuvres partant du même concept en le traitant de manière somme toute originale. En effet le film n'en profite par exemple pas pour faire rire aux dépens de son protagoniste, ni pour montrer son héros tenter vainement de civiliser à ses standards le monde qui l'entoure. Ici Gian Maria Volonté va être fasciné par cette vie de délit et cette communauté vivant en dehors des normes, des conventions librement et insoucieusement ; progressivement il va ainsi perdre ses habitudes et laisser cette violence l'insuffler. (le conduisant jusqu'à commettre si ce n'est un viol au moins une agression sexuelle).


A un moment du film Beauregard va finir par se faire arrêter, Fletcher s'improvise alors leader de la bande. Si Beauregard semble être un chef plutôt sympathique, bienveillant et humain malgré son sens du respect et de l'autorité, Fletcher va quant à lui être un chef beaucoup plus dur, autoritaire et tyrannique se montrant même cruel lorsqu'il va s'agir de torturer un espion. Pris comme de folie au contact de cet ouest loin de sa civilisation, il va certes se montrer très malin pour planifier le braquage d'une banque, mais va finalement conduire la bande à sa perte, manquant d'humanité pour bien la diriger.


Car au final c'est un peu cela la morale du film si Tomas Milian, représentant l'archétype du hors-la-loi, sera mener la bande comme une communauté grâce à son humanité cachée sous ses airs de brute pensant au final avec son coeur ; Gian Marcia Volonté lui pensera avant tout avec son cerveau (prévoyant de grands projets, mais pensant que “tout homme est remplaçable), dirigeant la bande uniquement autour de sa personne. Le dernier face à face étant en réalité celui du monde dit civilisé face à celui de l'ouest sauvage. Un thème récurrent dans le western, mais traité ici de manière relativement subtile.


Le film est donc principalement porté par Gian Marcia Volonté, qui signe ici sans aucun doute l'une des plus grandes prestations de sa carrière. Il parvient à être crédible aussi bien lorsqu'il s'agit de jouer ce professeur d'histoire qui a toujours vécu dans sa grande ville et qui est par exemple incapable d'extraire une balle du flanc de Beauregard que lorsqu'il s'agit de jouer les grands chefs de bandes - faisant d'ailleurs penser à son rôle dans “et pour quelques dollars de plus”.


Enfin, la musique d'Ennio Morricone. Si on n'atteint peut-être pas le niveau des partitions qu'il a signé pour les films de Sergio Leone, il sait relever quand il le faut une scène grâce à sa musique, je pense notamment à la scène du premier duel entre Beauregard et Fletcher survenant à peu près après une heure de film. La musique se superpose exactement avec l'action qui a lieu à l'écran et donne un aspect presque jouissif à l'ensemble. Aussi, vers la fin du film lorsque ce qu'ils restent de la bande marche dans le désert, la scène étant accompagnée par la musique de Morricone. On a parfois reproché au compositeur de faire des musiques d'églises, si ce n'est pas un reproche que je ferais, mais que je peux entendre je trouve dans le cas présent cela de circonstance, donnant un aspect presque biblique à cette exode - mais je surinterprète sans doute un peu.


Le Dernier face à face est donc un western spaghetti sans doute parmi les plus réussis du genre, s'il aborde des thèmes déjà évoqués dans l'histoire du western, il parvient à y insuffler un vent de fraîcheur bienvenue. Trop méconnu, il vaut assurément le coup d'œil.

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