Dernier film de la période italienne d'Antonioni, Le Désert Rouge se présente être une prolongation naturelle de la soi-disant trilogie constituée par L'Avventura, La Nuit et L'Eclipse - on y retrouve encore une fois Monica Vitti, plus belle que jamais ; ainsi que pas mal des obsessions que le réalisateur avait pu déjà explorer plus ou moins dans ses films précédents, comme l'errance, le matérialisme, l'interrogation du sens de l'amour, l'ennui, etc. ; cela dit, Le Désert Rouge semble s'intéresser un peu moins à la vie de couple que les 3 films qui l'ont précédé (se centrant plus sur le personnage de Vitti, qui possède tout mais ne sait pas aimer), pour rajouter toute une dimension écologique et environnementale, le progrès et la technologie ayant une place importante dans un film qui va jusqu'à s'approcher par certains aspects de la science-fiction, avec des machines étranges, une bande-son génialement expérimentale et certains paysages qui semblent préfigurer Stalker (pourtant, Tarkovski dira ne pas du tout aimer le film - c'est d'autant plus curieux qu'il y a quelques parallèles à dresser avec Nostalghia, surtout par rapport à la scène du 1+1=1).


Et à propos de paysages, une des grandes réussites du film est son esthétique : c'est le premier film en couleur d'Antonioni et pour le coup, il se lâche et livre son film le plus pictural, alternant entre terres et bâtiments désolées, utilisation des couleurs parfois flamboyante, bâtiments aux formes étranges, et une séquence dans le brouillard proche de l'onirisme. Tout ça sert totalement un des sujets principaux du film, qui me paraît être la façon dont nous regardons le monde qui nous entoure (ainsi que la place que nous y avons), en nous incitant à l'accepter dans ses mystères et son étrangeté.


Par rapport aux autres films du réalisateur, Le Désert Rouge semble un peu moins réputé à en juger par certaines critiques un peu plus réservées, ainsi que par les notes sur ce site ; cela me paraît presque incompréhensible, le film me paraissant être une véritable synthèse du meilleur du cinéma d'Antonioni, se présentant comme son oeuvre la plus aboutie et la plus audacieuse, très riche thématiquement et magnifique esthétiquement, et je n'y ai pas vraiment trouvé de longueurs (défaut souvent reproché au cinéaste). Une expérience fascinante qui est difficile à vraiment expliquer (ce qui se ressent peut-être dans cette critique d'ailleurs), ça a été pour moi le film du déclic d'un réalisateur que j'appréciais jusqu'à présent d'une façon réservée, ce qui me donne bien envie de me replonger dans ses autres films, dont j'espère bien pouvoir tirer de nouvelles révélations avec de nouveaux visionnages. A voir de préférence au cinéma!

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le 24 mai 2015

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OlivierBottin

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