Un film de glace...Les cartes étaient-elles truquées ? Glacées ?

Un film loin de m'avoir laissé de glace... Mais qui n'a pas glacé le sang de mes veines.

Il faut avoir vu le film pour comprendre cette allusion à l'énigme dont on attend la résolution!

Déjà en 1948, les flics ripoux existaient...Claude Zidi n'aurait-il rien inventé ?

Pour bien situer ce film dans son contexte, il faut savoir qu'André Cayatte, (1909-1989) a été avocat, puis romancier, que c'est un ennemi de la peine de mort, et qu'il commence sa carrière de réalisateur en 1942. Sous la seule marque de films tolérée à l'époque par l'envahisseur nazi : "la Continental" , une compagnie seule productrice autorisée, aux ordres de Joseph Goebbels, de sinistre réputation et noyautée, censurée par le parti d'Hitler... Il y tournera quatre films mais ce que les boches ne savent pas, c'est qu'elle est infiltrée par des communistes et résistants...

En 1944, et durant la chasse aux collabos, Cayatte est soupçonné de complicité avec l'ennemi par le Comité de libération du cinéma français (CLCF), que dirige Jean-Paul Le Chanois, mais sera relaxé en 1945 et même reconnu comme résistant...

C'est donc dans une ambiance plus sereine que le réalisateur tournera ce film et qui sait, règle peut-être ainsi des comptes avec la maréchaussée en créant l'histoire d'un flic ripoux...

Le film policier aux lendemains de la guerre est prisé du public qui en entend souvent à la radio, et Cayatte saura saisir l'occasion de lui en donner. Ancien romancier, il va écrire aussi le scénario de cette histoire qu'il n'aurait pas pu situer sur la cote d'Azur, vous comprendrez pourquoi...

C'est la failite d'un banquier ripoux lui aussi, obligé de fuir la justice et qui fuit et s'expatrie, aidé par un "passeur"... Sa femme ne le suivant pas, il se pend mais voilà : elle ne peut toucher le montant de l'assurance-vie puisque le suicide n'est pas reconnu comme clause de dédommagement par la compagnie d'assurances ... La veuve ingrate imagine alors le stratagème de transformer le suicide en meurtre, aidée en cela par un inspecteur de police peu scrupuleux qui va se laisser acheter ! La vérité éclatera-t-elle ?

Dommage, ce film dont a valeur patrimoniale est incontestable, n'est pas haletant... On "n'accroche pas" et il est difficile d'avoir de l'empathie voire de sympathie pour ce monde crapuleux...

Ceux qui s'émeuvent des pseudo-violences policières de notre siècle seront bien étonnés de voir comment la justice de 1948 se faisait obéir : un gamin qui reçoit une fessée d'un policier en uniforme, l'inspecteur qui tire à vue sur un fuyard qui ne le menaçait pas et bien d'autres exactions comme ce gardien qui laisse une femme entrer où il est emprisonné, flanquer une sérieuse paire de baffes à son amant, entravé et qui l'avait frappée...

On ne s'ennuie pourtant pas, même si c'est assez statique genre huis-clos, mais par contre...

Hélas, quelle horrible musique, totalement en opposition de phase avec l'intrigue et carrément insupportable par moments... on dirait que le compositeur n'a pas vu le film. Etrange.

Une bande musicale qui n'a pas due être éditée, et dont on ne connaît pas l'auteur...

Quant au casting, il me fait penser au musée Grévin... Ils sont là, et pourtant ils ne sont plus vivants...

On ne sait trop qui est la vedette de ce film... Madeleine Sologne ? Son nom ne dira rien à la plupart d'entre nous : d'ailleurs, disparue en 1995, elle avait décidé de mettre un terme à sa carrière l'année de sortie de ce film... Elle interprète encore trop à "l'ancienne" et je n'ai pas adhéré à son expression trop "jouée, façon trop théâtrale"... Pourtant elle a symbolisé un temps sous l'occupation les jeunes filles, au point qu'elles se coiffaient à l’époque « à la Madeleine Sologne » avec une longue mèche tombante.

Janine Darcey ? Confinée à un rôle secondaire, on sent "qu'elle en a", mais ne peut faire de miracles ici.

Reggiani ? Même ressenti... Pas très convaincant et dans un rôle ambigu.. Voulait-il être chanteur ou acteur ? Le seul à tirer son épingle du jeu est Paul Meurisse qui bien aurait voulu être chanteur lui aussi, pas encore bien installé dans la maîtrise de son art, mais déjà en train de rôder ce personnage mystérieux, flegmatique, qui lui convenait si bien et qu'on lui aimera tant chez lui ensuite... Ce personnage à la voix affirmée qui a été pensionnaire de la Comédie française, ayant refusé d'en être sociétaire, est terrifiant dans un de ses meilleurs films : "Les Diaboliques de Clouzot... Aussi prolifique au cinéma qu'au théâtre, il avait créé aux côtés de Piaf, sa compagne jusqu'en 1942, "le bel Indifférent" de Jean Cocteau...Il est d'ailleurs quasi-mort sur scène d'une crise cardiaque en 1979, à 66 ans alors qu'il jouait une pièce de Sacha Guitry et faisait recette... Cadences infernales ?

Dommage, le souvenir qu'on en a n'est pas à la hauteur de son talent...

Un film qui pour l'époque, a dû sembler être une petite merveille à sa sortie quand les gens libérés des affres de la guerre pouvaient enfin respirer de nouveau l'air de la liberté et des plaisirs...









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le 8 oct. 2023

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