J'ai revu avec un grand intérêt ce film à sketches, genre très répandu dans les années 60 en France et surtout en Italie ; parfois c'est l'oeuvre de 3 ou 4 réalisateurs, et d'autres fois, c'est l'oeuvre d'un seul, c'est le cas ici, Julien Duvivier étant seul aux commandes. Les films à sketches, c'est toujours inégal, il y a des segments plus faibles que d'autres, mais ici, la formule fonctionne bien et il n'y a vraiment pas grand chose à jeter. Le diable mène le jeu et démontre que les dix commandements divins sont un fondement fragile et que la tentation est mise à rude épreuve, comme il le prouve par 7 sketches. Le diable prend un malin plaisir à commenter ses méfaits en voix off qui est celle de Claude Rich, malicieux, spirituel, truculent et cynique, en servant de fil rouge pour enchaîner les segments.
Duvivier revisite les commandements de façon ironique, drôle ou émouvante dans un film inclassable qui se tranforme en comédie de moeurs en faisant appel à un casting énorme de grands acteurs français de l'époque, habitués d'un cinéma "à la papa" en réaction à la Nouvelle Vague qui faisait son apparition et à laquelle le film fait un clin d'oeil explicite et réjouissant par l'entremise du diable qui par la voix de Claude Rich se permet une saillie sévère (on sait que Duvivier détestait la Nouvelle Vague). C'est d'autant plus amusant que cette saillie introduit le sketch avec Jean-Claude Brialy, acteur qui tournait indifféremment pour les anciens et pour les gens de ce courant.
Comédie de moeurs mais aussi comédie populaire à l'humour grinçant et au ton féroce qui aborde différentes thématiques en fustigeant les travers de nos contemporains. Duvivier et ses dialoguistes (Jeanson, Audiard, Barjavel) ont dû se régaler. Certains épisodes sont franchement dramatiques, à l'instar de celui avec Charles Aznavour et Lino Ventura ; le plus émouvant est celui avec le tout jeune Alain Delon et Danielle Darrieux, et le plus drôle est celui avec Brialy et De Funès. Le plus subtil est celui avec Micheline Presle, Françoise Arnoul et Mel Ferrer, tandis que le moins réussi est celui avec Fernandel, même si sa chute est savoureuse.
Dans le reste du casting, on trouve Madeleine Robinson, Georges Wilson, Maurice Biraud, Noël Roquevert, Jean Carmet, Claude Dauphin ou encore Michel Simon qui fait l'ouverture et le final, bref on a que du beau linge.
L'ensemble est assez jouissif, d'un grand cynisme, très savoureux et très divertissant, qui gagne en intérêt et en prestige par son casting, c'est du très bon cinéma français d'autrefois, devenu un classique.
A noter que la chaîne CinéClassic a diffusé le film amputé du sketch n°2 où apparaissent Dany Saval, Henri Tisot et Mireille Darc ; ce sketch avait été retiré et n'était visible que sur les copies destinées à l'Allemagne. A l'origine, le film avait 8 sketches pour une durée totale de 2h25, cette version intégrale est dispo à présent sur le DVD édité par Coin de mire cinéma, sorti en 2020.